Opéras Iolanta à Bordeaux
Opéras

Iolanta à Bordeaux

19/11/2025
© Éric Bouloumié

Grand-Théâtre, 12 novembre

Ultime opéra de Piotr Ilitch Tchaïkovski, sur un livret concocté par son frère Modeste, la brève et concise Iolanta est bien moins souvent donnée qu’Eugène Onéguine ou La Dame de pique – raison de plus pour se précipiter au Grand-Théâtre et profiter de cette production montée par Stéphane Braunschweig. L’homme de théâtre s’est visuellement inspiré des Très Riches Heures du duc de Berry : non dans la reconstitution d’un Moyen Âge imaginaire – l’action se déroulant à la cour du roi René, au XVe siècle –, mais dans l’esprit des couleurs et des costumes, vaguement médiévaux, dominés par le vert printanier et le bleu lapis-lazuli. Le costume de la princesse, imaginé par Thibaut Vancraenenbroeck, fait une référence discrète à Fleur des champs de Louis Janmot, l’un des chefs-d’œuvre du Musée des Beaux-Arts de Lyon. Les éclairages de Marion Hewlett renforcent la dimension onirique de ce conte sensuel traitant de l’aveuglement et de la révélation.

Le dispositif scénique se présente comme une grande boîte divisée par deux panneaux coulissants, permettant d’alterner entre la chambre et le jardin de la princesse, fille du roi René. Lieu clos, presque monastique, orné de roses blanches et rouges – symboles de l’amour spirituel et de l’amour charnel –, il devient l’espace d’une initiation : celle d’une jeune fille aveugle qui recouvre la vue en découvrant l’amour. Les protagonistes masculins ainsi que le chœur entrent par la salle, dans le cadre somptueux du Grand-Théâtre, de style Louis XVI, conçu par Victor Louis. Cette « boîte », qui empêche les voix de s’échapper vers les cintres, favorise une proximité charnelle avec le public et fait un usage efficace et pertinent du bel espace acoustique. Les neuf tableaux sont l’occasion de voir éclore une nouvelle génération de chanteurs.

Constitué d’une suite d’arias aussi émouvantes que superbement écrites, c’est un défilé de beau chant avec la Iolanta de Claire Antoine : timbre dense, voluptueux, d’une intense incarnation. Remarqué depuis quelques saisons, le jeune ténor Julien Henric lui donne la réplique en amoureux chaste ; il y a chez lui à la fois de la vaillance et beaucoup de finesse. Couleurs subtiles, ligne souple : on l’espère vivement en Lenski. Ugo Rabec, petit rôle mais basse très solide, marque la production aux côtés de Lauriane Tregan-Marcuz, «mezzo-contralto» (comme elle se définit elle-même) bordelaise appelée à un bel avenir, tout comme Abel Zamora. Franciana Nogues et Astrid Dupuis sont tout aussi méritantes. La partie authentiquement slave de la production est dévolue à l’Estonien Ain Anger, bouleversant roi René, à l’imposant Ariunbaatar Ganbaatar en médecin Ibn-Hakia, et à Vladislav Chizhov, baryton « donjuanesque ».

La direction de Pierre Dumoussaud, fluide et nerveuse, révèle toute l’intensité et le pathétique – au bon sens du terme – de cette exaltante partition.

VINCENT BOREL

Ain Anger (Le Roi René)
Vladislav Chizhov (Le Duc Robert)
Julien Henric (Le Comte Vaudémont)
Ariunbaatar Ganbaatar (Ibn-Hakia)
Abel Zamora (Alméric)
Ugo Rabec (Bertrand)
Claire Antoine (Iolanta)
Lauriane Tregan-Marcuz (Marthe)
Franciana Nogues (Brigitte)
Astrid Dupuis (Laure)
Pierre Dumoussaud (dm)
Stéphane Braunschweig (ms/d)
Thibault Vancraenenbroeck (c)
Marion Hewlett (l)

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