Opéras Wozzeck à Venise
Opéras

Wozzeck à Venise

17/11/2025
Roberto de Candia et Leonardo Cortellazzi. © Michele Crosera

Teatro La Fenice, 23 octobre

Trente-trois ans qu’il n’était pas revenu sur la scène vénitienne : Wozzeck fait son grand retour à la Fenice dans un nouvel écrin scénique. Œuvre désormais inscrite au répertoire, elle est ici présentée dans une version rare, traduite en italien par Alberto Mantelli et créée au Teatro dell’Opera de Rome en 1942. Un choix audacieux, historiquement passionnant, qui rend le texte plus accessible au public, même si le lien organique entre la langue allemande et les timbres choisis par Berg s’en trouve inévitablement émoussé.

Confier Wozzeck à Markus Stenz, chef familier de la Fenice et grand connaisseur du répertoire germanique, relevait de l’évidence. Sous sa baguette, l’ouvrage s’inscrit dans une dimension à la fois symphonique et profondément humaine. Le chef allemand sculpte un phrasé où le chant se prolonge à travers les lignes instrumentales, jusque dans les parties les plus intérieures. L’orchestre répond avec clarté et précision, les bois scintillent, les cordes murmurent avec une tension spirituelle toujours juste. Entre expressionnisme râpeux et ironie grinçante, Stenz révèle un drame qui respire, tremble et brûle de l’intérieur. 

La mise en scène de Valentino Villa, servie par les décors de Massimo Checchetto, les costumes d’Elena Cicorella et les lumières de Pasquale Mari, s’inspire de la rigueur formelle de la partition. Trois modules cubiques, mobiles, deviennent les cellules mentales où s’enferment les personnages : un monde gris, anonyme, où affleure le profil d’une ville sans âme. Ce dispositif traduit avec force l’aliénation de Wozzeck, pris au piège de structures oppressantes, symboles de son enfermement social et intérieur.

Côté distribution, Leonardo Cortellazzi campe un Capitaine d’une banalité presque inquiétante, stéréotype du pouvoir mesquin. Roberto de Candia prête à Wozzeck une intensité dramatique bouleversante, tandis que Lidia Fridman (Maria) fait rayonner une ligne vocale d’un lyrisme poignant. Plus discutable, la projection très vériste d’Enea Scala (le Tambour-major), mais l’ensemble s’inscrit dans une cohérence expressive. Cette représentation du 23 octobre s’est interrompue avant le troisième acte, Markus Stenz ayant été victime d’un léger malaise dans la fosse, heureusement sans gravité. Le public, lui, a réservé un triomphe au chef allemand, dont la maîtrise et la sensibilité confirment qu’il mériterait amplement une place stable à la tête de l’Orchestre de la Fenice.

MIRKO SCHIPILLITI

Roberto de Candia (Wozzeck)
Enea Scala (Tambourmajor)
Paolo Antognetti (Andres)
Leonardo Cortellazzi (Hauptmann)
Omar Montanari (Doktor)
Marcello Nardis (Der Narr)
Lidia Fridman (Marie)
Manuela Custer (Margret)
Markus Stenz (dm)
Valentino Villa (ms)
Massimo Checchetto (d)
Elena Cicorella (c)
Pasquale Mari (l)

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