Opéras Parsifal à San Francisco
Opéras

Parsifal à San Francisco

10/11/2025
Tanja Ariane Baumgartner, Falk Struckmann et Brandon Jovanovich. © San Francisco Opera/Cory Weaver

Opera, 25 octobre

Pour sa première mise en scène wagnérienne, Matthew Ozawa signe un Parsifal aussi prometteur qu’inégal. Après un Prélude curieusement atone, Eun Sun Kim trouve peu à peu son élan et déploie une direction d’une grande cohérence. L’orchestre, magnifiquement préparé, séduit par la richesse de ses timbres, la transparence de ses cordes et la solidité de ses cuivres, d’abord exemplaires puis plus hésitants. Les chœurs, un peu diffus au I, gagnent en ampleur et en ferveur, jusqu’à offrir au troisième acte un moment d’une saisissante intensité spirituelle.

Dans le rôle-titre, Brandon Jovanovich campe un Parsifal juvénile, lumineux, d’une sincérité désarmante. Son timbre clair, bien projeté, épouse la tessiture basse du rôle avec souplesse, mariant éclats héroïques et demi-teintes caressantes. Kwangchul Youn, en Gurnemanz, impose sa stature de sage : émission noble, diction exemplaire, autorité tranquille – il incarne à lui seul la dimension mystique de l’œuvre. Face à lui, Brian Mulligan livre un Amfortas d’une grande probité vocale, trop robuste toutefois pour incarner un roi meurtri : il entre seul, arpente la scène, sa plaie n’apparaissant qu’à la fin. Son chant, solidement conduit, manque de cette ferveur à vif que savaient faire surgir Jorma Hynninen ou Peter Mattei.

Révélation du spectacle, Tanja Ariane Baumgartner, qui fait ses débuts américains, impressionne par l’ampleur du timbre et la précision du jeu. Ses aigus, conquis non sans effort, affrontent avec bravoure les redoutables exigences du deuxième acte. Pourtant, sa Kundry, d’une intelligence dramatique indéniable, demeure un peu distante : la sensualité, pourtant essentielle au personnage, se devine plus qu’elle ne s’impose. Son premier costume, perruque blonde comprise, confine au ridicule avant que le jardin de Klingsor ne lui redonne son magnétisme. Falk Struckmann, en Klingsor, impose sa présence avec ce mélange d’autorité et de déchéance qu’il maîtrise à la perfection ; sa voix, plus rauque qu’autrefois, sert admirablement le personnage. David Soar, en Titurel, affiche une vigueur presque insolente pour un mourant. Les Filles-Fleurs, affublées de costumes bleu mylar rappelant les rideaux de douche des années 1970, chantent avec efficacité et belle cohésion.

Le décor tournant de Robert Innes Hopkins, bien exploité par Ozawa, fluidifie les transitions d’espace et de temps. Colonnes et plateformes remplissent leur fonction sans réelle magie ; vues de près, les matières trahissent une certaine pauvreté visuelle. La présence récurrente de corps ligotés, étrange et dérangeante, confère une note de malaise, tandis que la nature – pourtant essentielle au dernier acte – reste totalement absente. Les lumières de Yuki Nakase Link offrent de belles nuances de clair-obscur mais ignorent le vert de la renaissance que le compositeur appelait de ses vœux.

Ozawa, lui, choisit d’universaliser le propos spirituel : à la fin, Kundry ne meurt pas mais dévoile le Graal avec Parsifal, tous deux tournés vers la salle, comme pour inclure le spectateur dans la promesse de rédemption. La chorégraphe Rena Butler mobilise une troupe de danseurs talentueux – l’un incarnant Herzeleide, la mère défunte du héros, d’autres évoluant dans le jardin de Klingsor ou lors de la révélation du Graal. Si l’ensemble est exécuté avec grâce, la plupart des interventions paraissent superflues, distrayant plus qu’elles ne servent le drame. Seule la scène de la lance, figurée avec précision par les danseurs, convainc pleinement. Ce Parsifal californien, parfois maladroit mais souvent inspiré, séduit par son ambition : celle d’un jeune metteur en scène cherchant, entre abstraction et émotion, un chemin neuf vers la transcendance wagnérienne.

DAVID SHENGOLD

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