Opéras Don Giovanni à Avignon
Opéras

Don Giovanni à Avignon

31/10/2025
Armando Noguera, Mischa Schelomianski et Gabrielle Philiponet. © Cédric Delestrade

Opéra, 14 octobre

Créée à Rouen en 2016 (voir O. M. n° 116 p. 66), cette production aurait dû être reprise à Avignon en avril 2021, mais la pandémie avait contraint à remplacer les représentations par le tournage d’un film. Quatre ans plus tard, en ouverture de saison, ce spectacle rencontre enfin le public avignonnais pour trois représentations triomphales, complétées par une diffusion de la générale sur grand écran place Saint-Didier. Nous ne reviendrons pas sur la mise en scène de Frédéric Roels, portrait d’un serial lover compulsif pathétique, qui trouve en Leporello son seul vrai fan. On est plus partagé sur une vision des femmes manquant d’ambivalence, entre une Anna poursuivant Don Giovanni non pour l’avoir agressée, mais abandonnée avant la conclusion, une Elvira hystérique et une Zerlina bien décidée de jouer de ses charmes pour grimper dans la société. Mais ce spectacle d’une belle théâtralité fonctionne grâce à la complicité maître-valet et à la direction fiévreuse mais sans agitation de Debora Waldman, cheffe attitrée de l’Orchestre National Avignon-Provence.

Sa vigilance n’évite toutefois pas divers décalages, manifestement dus à l’instabilité rythmique de certains chanteurs, lesquels, parfois, accusent en plus des problèmes de justesse. En particulier Tomislav Lavoie, dont l’instrument robuste et l’abattage n’excusent pas une tendance à plus parler que chanter Leporello, et souvent trop bas. Armando Noguera réussit son premier Don Giovanni, voix brillante et aisée, présence féline, jouant des castagnettes pendant l’air « du champagne », osant la reprise du « Deh, vieni alla finestra » sur un fil de voix enjôleur, et délivrant un la éclatant lors de sa damnation. Il faut dire que face à la voix d’airain de Mischa Schelomianski, Commandeur aveugle, entre mendiant et zombie, il faut assurer ! Gabrielle Philiponet est une Donna Anna volontaire, dont la voix sûre mais un peu dure dans l’aigu assume parfaitement les la dardés du « Or sai chi l’onore », comme le cantabile de « Non mi dir », mais peine dans une cabalette « Forse un giorno » désordonnée. 

Anaïk Morel est touchante et passionnée, mais, comme la plupart des mezzos abordant Elvira, limitée en nuances et couleurs : médium corsé mais aigu trop en force, « Mi tradi » l’éprouvant sensiblement. En Zerlina, Eduarda Melo séduit plus par son physique que par sa voix, irrégulière (joli aigu mais médium grossi) et pas toujours impeccable d’intonation. Face à elle, le Masetto d’Aimery Lefèvre, au solide baryton, semble filer doux. Bien effacé aussi est l’Ottavio de Lianghua Gong, malgré un beau timbre. On apprécie d’entendre la version de Vienne, plus équilibrée que la première, de Prague, avec un second acte tenant moins de l’enfilade d’airs, l’ariette de Leporello « Ah, pietà » suivant le sextuor étant remplacée par un récitatif, et « Il mio tesoro » par un duo bouffe Zerlina-Leporello. Et le rideau tombe sur la mort du libertin, sans retour des autres personnages pour le lieto fine.

THIERRY GUYENNE

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