Opéras Il barbiere di Siviglia à Reims
Opéras

Il barbiere di Siviglia à Reims

10/10/2025
Éléonore Gagey et Andres Cascante. © Sébastien Gomes​

Opéra, 28 septembre

Avec ce nouveau Barbiere di Siviglia, l’Opéra de Reims fait la preuve qu’il est possible, en ces temps de restrictions généralisées, de monter un chef-d’œuvre du répertoire avec de petits moyens sans laisser une impression de pauvreté. Efficace et légère, la mise en scène de Christophe Mirambeau transpose l’action dans l’Espagne franquiste, un choix un peu « anecdotique » mais qui permet de « moderniser » et de justifier ce qui dans le livret de Sterbini pourrait paraître daté. La scénographie de Casilda Desazars construit à vue, à partir d’un jeu de plateformes et d’éléments découpés, le décor néobaroque très sévillan de la maison de Bartolo à laquelle pas une pièce ne manque.

L’autre choix « économique » qui laisse en revanche quelques regrets est l’abandon des récitatifs au profit de dialogues en français, arrangés par le metteur en scène. Sûrement moins compliqués à mettre en place, mais actualisés et du coup moins subtils voire un rien triviaux, ils rompent le rythme naturel et la fluidité de la commedia de Rossini, laissant une sensation de hiatus entre théâtre et chant auquel on met un certain temps à s’accommoder. À cette réserve près, la réussite est complète, d’autant plus que la distribution, presque entièrement francophone, assure de façon assez convaincante le passage du chanté au parlé.

De belles trouvailles et de nombreux gags, parfois trop appuyés, comme l’allocution du pseudo-Franco à la télévision, viennent animer l’ensemble dans un esprit burlesque très apprécié du public. Citons l’apparition de Don Alonso au deuxième acte en mariachi, allusion à Luis Mariano, une idole du metteur en scène, ou ce trio final, avec imperméable et parapluie, qui rappelle évidemment « Singin’ in the rain ».

La réussite d’ensemble doit beaucoup à la direction raffinée et dynamique de Sammy El Ghadab, qui se montre un véritable rossinien et tire le meilleur de l’orchestre maison aux pupitres solistes impeccables, soutenant sans faille un excellent plateau où si tout n’est pas absolument parfait, le style est au rendez-vous dans de jolies variations jamais trop ostentatoires.

Bien qu’annoncé malade, le baryton costaricain Andres Cascante se révèle le meilleur élément de la jeune distribution. Une fois passé un rien de tension dans son air d’entrée où s’entendent en effet quelques scories, il ne fait qu’une bouchée du rôle-titre, dont il possède toute la faconde et la générosité, avec un timbre au brillant exceptionnel. Belle ligne de chant et timbre agréable, l’Almaviva de Iannis Gaussin paraît un peu en retrait dans ses premiers airs où il manque d’assurance pour affronter les aigus et ne se libère vraiment que dans les scènes comiques et les ensembles, où il est moins exposé.

Éléonore Gagey impressionne par sa longueur de voix, son grave robuste et ses capacités de vocaliste qui, associés à un tempérament scénique brûlant, créent une Rosina revendicative très convaincante. Complice et peut-être son égale, Marion Vergez-Pascal se révèle une Berta subtile et élégante, très fine mouche dans son petit air de sorbet. Christian Helmer paraît un peu jeune pour le rôle du tuteur et son authentique basse noble un rien décalée pour un personnage que l’on imagine nettement plus bouffe. La « Calunnia » de Philippe Brocard manque un peu de caractère et d’ampleur mais il se rattrape largement dans les scènes suivantes. On saluera le Fiorello de Dominic Veilleux, qu’un simple masque transforme, ainsi que l’Ambrogio de Charles Fraisse, en officier de la « Forza ».

La production, on l’imagine bien, se taille un beau succès auprès d’un public visiblement conquis, et semble promise à une belle carrière pour laquelle elle possède de nombreux atouts.

ALFRED CARON

Pour aller plus loin dans la lecture

Opéras Ariodante à Paris

Ariodante à Paris

Opéras Les Contes d'Hoffmann à Paris

Les Contes d'Hoffmann à Paris

Opéras Tannhäuser à Genève

Tannhäuser à Genève