2 DVD Cmajor 769808 & 1 Blu-ray CM 769904

Quelle mouche a donc piqué Unitel de commercialiser la captation de cette soirée des Nozze di Figaro où le refroidissement de Ying Fang a contraint les équipes du Wiener Staatsoper à faire appel à une doublure chantant Susanna dans la fosse ? Ce genre d’expédient s’accepte en salle, mais disqualifie un DVD censé graver une production dans le marbre, d’autant que la chose est assumée parfois jusqu’à un split screen montrant les deux artistes simultanément, histoire de ruiner toute illusion théâtrale. Autre source de frustration, l’absence de sous-titres français, incompréhensible pour un opéra aussi courant. Pour le reste, la mise en scène de Barrie Kosky, à la direction d’acteurs sans temps mort, se déroule dans des décors classiques – vestibule dont les portes claquent, cabinet de la Comtesse, illusion de jardin avec une vaste peinture au sol munie de trappes – et des costumes moins classiques, parfaitement adaptés aux classes sociales, dont une populace bien vulgaire – et qui sent fort si l’on en croit l’indisposition nasale de Basilio.
En salle, Mehdi Mahdavi (voir O. M. n° 192 p. 72 de mai 2023) avait salué un véritable esprit de troupe, qu’on retrouve intact. Reste que les micros s’avèrent nettement moins flatteurs quant aux prestations individuelles. Une Marcellina usée jusqu’à la corde, une Barbarina peu portée sur la sobriété, un Bartolo dont le timbre ferraille gênent moins que la Comtesse aux voyelles trop fermées et au troisième registre dur d’Hanna-Elisabeth Müller, d’une grande beauté en scène aux côtés d’Andrè Schuen, belle matière aristocratique et parfaite séduction fourbe en Comte qui n’achoppe que sur l’éclat final de son « Vedrò ». Ying Fang joue une Susanna au bord de la crise de nerfs, qui a le coup de poing facile, quand Maria Nazarova fait planer une belle ligne souple qui siérait sans doute davantage à la Comtesse, face au Figaro un peu gris de timbre mais parfait de sillabato de Peter Kellner, et au Cherubino ardent mais un peu raide sur les fins de phrase de Patricia Nolz. En fosse, excellente routine des Wiener – quel contrepoint de hautbois dans les airs ! – dont les violons grincent pourtant plus que de coutume, sous la direction assez vive de Philippe Jordan.
YANNICK MILLON
Andrè Schuen (Il Conte di Almaviva) – Hanna-Elisabeth Müller (La Contessa di Almaviva) – Ying Fang & Maria Nazarova (Susanna) – Peter Kellner (Figaro) – Patricia Nolz (Cherubino) – Stephanie Houtzeel (Marcellina) – Stefan Cerny (Bartolo) – Josh Lovell (Basilio) – Andrea Giovannini (Don Curzio) – Johanna Wallroth (Barbarina) – Wolfgang Bankl (Antonio)
Chor und Orchester der Wiener Staatsoper, dir. Philippe Jordan. Mise en scène : Barrie Kosky. Réalisation : Leopold Knötzl (16:9 ; stéréo : PCM ; DTS 5.1)
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