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Orphée et Eurydice par les Arts Florissants

06/10/2025

2 CD Harmonia Mundi 8905401.02

Si l’on donne volontiers Orfeo ed Euridice de Gluck dans sa version italienne pour castrat (Vienne, 1762), tout comme la révision que Berlioz réalisa en 1859 pour la mezzo Pauline Viardot, la mouture française pour ténor, créée à l’Académie Royale de Musique en 1774, reste nettement plus rare à l’affiche. C’est ce versant parisien de l’œuvre, destiné à une tessiture de haute-contre, que Les Arts Florissants ont choisi d’exhumer au disque après une série de concerts sous la direction de Paul Agnew, codirecteur de l’ensemble avec William Christie. Joseph Legros, créateur du rôle d’Orphée, passait pour l’une des gloires du chant français du XVIIIe siècle : sa voix claire et flexible, dotée d’une aisance remarquable dans l’aigu, faisait sa renommée. 

Aujourd’hui, trouver un ténor capable d’assumer un tel rôle reste une gageure. Reinoud Van Mechelen, familier du répertoire baroque, relève le défi avec intelligence. Son Orphée séduit par une noblesse constante et une tendresse sans mièvrerie, mais la tension vocale affleure un peu trop, et la ligne perd parfois en fluidité. Dans l’air « L’espoir renaît dans mon âme », les vocalises manquent en outre de fougue, de panache. En revanche, les passages élégiaques révèlent tout l’art du musicien, notamment lors du duo « Je goûtais les charmes » (acte III). Face à lui, Ana Vieira Leite campe une Eurydice d’une retenue sobre et d’une élégance sans apprêt. Issue du Jardin des Voix, la soprano portugaise convainc par un chant clair, fidèle à la simplicité classique voulue par Gluck. Plus mutine, Julie Roset prête à l’Amour un éclat lumineux et délicat. Paul Agnew conduit le tout avec clarté architecturale et sens raffiné des atmosphères. Les bois se détachent avec subtilité, les cordes allient souplesse et chaleur, mais les tutti manquent parfois de vigueur. L’impact dramatique des cors et trombones apparaît atténué, comme privé de mordant. De son côté, le chœur, pilier de l’ouvrage, se distingue par une poésie constante : « Par quels puissants accords », « Viens dans ce séjour paisible ».

On salue, malgré ces réserves, la cohérence du projet artistique : faire entendre une version trop rarement donnée d’un chef-d’œuvre fondateur de la réforme gluckiste. Si la distribution n’échappe pas à une certaine tiédeur expressive, la probité stylistique s’impose, quitte à sacrifier un peu de cette intensité tragique que l’on espérait plus incandescente. À ce jour, l’interprétation de Marc Minkowski (Archiv Produktion), enregistrée en public en 2004 avec Richard Croft et Mireille Delunsch, demeure sans conteste la plus accomplie.

CYRIL MAZIN

Reinoud Van Mechelen (Orphée) – Ana Vieira Leite (Eurydice) – Julie Roset (Amour)

Les Arts Florissants, dir. Paul Agnew

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