1 CD Onyx Classics ONYX 4253

Dans notre époque de crispations croissantes autour des questions d’identité, le titre de ce disque interroge. Il regroupe, sous le signe d’une commune judaïté, des pièces vocales ou instrumentales de compositeurs viennois ou actifs dans la capitale de l’Empire -austro-hongrois puis de l’Autriche nés entre le milieu du XIXe et le tournant du XXe siècle. Trois sont illustres (Zemlinsky, Mahler et Korngold), les deux autres à découvrir : Alfred Grünfeld (1852-1924) pragois d’origine et pianiste virtuose, et Josefine Winter (1873-1943), victime, après l’Anschluss, des persécutions nazies et morte au camp de concentration de Terezín. Mais gare au contresens sur le titre de sa pièce figurant au programme : Im Buchenwald (non daté) signifie simplement « Dans la forêt de hêtres » !
La question est : n’y a-t-il pas une forme d’assignation identitaire, ou tout au moins une réduction à une seule appartenance (ou origine), dans ce titre de « Vienne juive » ? Cela revient au fond à présenter les œuvres comme musique juive. Les antisémites de leur époque le pensaient certainement ! Mais un Leonard Bernstein, expliquant la composante juive de la musique de Mahler, s’est gardé de la limiter à cela. Sur la dimension viennoise, on notera quand même que les deux opus de Korngold qui font le gros du programme chanté, tous deux sur des textes de Shakespeare en anglais (les Songs of the Clown op. 29 et les Four Shakespeare Songs op. 31), datent des années 1937-1941, alors que le musicien est installé aux États-Unis depuis 1934 !
Côté interprétation, nous qui avions apprécié, dans le précédent album de Chen Reiss consacré à Beethoven, une voix toujours jolie et fraîche, à l’aigu ayant gagné en rondeur, sommes déçu, dans ces Lieder et songs présentés en version orchestrée (par Tal-Haim Samnon), de retrouver une émission assez pointue et nasale, voire (Briefchen schrieb ich de Zemlinsky, When Birds Do Sing de Korngold…) dure dans l’aigu, et par endroits un vibrato assez ingrat dans le bas médium. Dans Korngold, la soprano israélienne semble chercher un style vocal proche des musicals d’outre-Atlantique, sans vraiment convaincre. De son côté, l’Orchestre de Chambre Juif de Munich n’expose pas la plus belle des sonorités, comme le montre l’Adagio, également en version arrangée, de la Symphonie n° 10 de Mahler.
THIERRY GUYENNE
1 CD Onyx Classics ONYX 4253
Zemlinsky – Winter – Korngold – Mahler – Grünfeld
Jewish Chamber Orchetra Munich, dir. Daniel Grossmann
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