Opéras Norma à Toulon
Opéras

Norma à Toulon

09/07/2025
Önay Köse, Salome Jicia et Kaarin Cecilia Phelps. © Aurélien Kirchner

Châteauvallon, Amphithéâtre, 28 juin

Ultime spectacle de la saison toulonnaise, Norma a été donnée à l’Amphithéâtre de Châteauvallon, (après le Requiem de Mozart en 2023, et Cavalleria rusticana/Pagliacci l’an passé), dans une mise en espace d’Emmanuelle Bastet adaptée aux importantes contraintes du lieu. Le plateau noir et brillant n’est habillé que de sept troncs s’élançant vers le ciel – figurant, au gré des jeux de lumières, des arbres, les colonnes d’un temple en ruines, voire les flammes du bûcher final – dont le rouge tranche avec le costume noir de rigueur pour tous, sauf pour le trio de femmes.

Avec un dispositif scénique si épuré, la dramaturgie ne trouve à s’incarner pleinement que dans la musique, et plus particulièrement dans le chant. Car l’orchestre, placé en diagonale derrière la scène, avec le chef côté jardin, sonne assez timidement, d’abord concurrencé par les cigales, puis rejoint par les coassements des grenouilles. La direction sûre mais pas toujours assez variée ni dramatique d’Andrea Sanguineti peine à conférer à l’orchestre l’épaisseur sonore requise, mais le chef italien se montre en revanche un accompagnateur de la voix attentif. Nettement plus en place qu’il y a un mois dans La Belle Hélène (voir O. M. n° 214 p. 88 de juillet-août), le chœur sonne fièrement, mais semble un peu laissé à l’abandon pour le jeu scénique.

Reste un plateau vocal brillant pour les femmes mais plus inégal pour les hommes, qui semblent souffrir davantage de l’acoustique. T-shirt moulant, pantalon de treillis et gros godillots peu seyants, le Pollione brut de décoffrage et franchement antipathique de Matteo Falcier peine à se faire entendre, dès un « Meco all’altar di Venere » poussif, voix forte mais mal canalisée, au phrasé sommaire et au contre-ut scabreux. Pas très focalisée non plus, notamment dans l’aigu, la basse turque Önay Köse paraît un peu cueillie à froid dans « Ite sul colle ». Mais « Ah! del Tebro al giogo indegno » le trouve plus à son aise, dessinant au bout du compte un Oroveso humain et d’une belle autorité. C’est finalement le ténor mordant d’Alexander Marev (Flavio) qui se révèle l’élément masculin le plus satisfaisant vocalement, faisant oublier un débardeur vraiment peu élégant.

Nous étions déçus de ne pouvoir découvrir Zuzana Marková dans le rôle-titre, après la réussite de sa Traviata tourangelle il y a deux semaines. Mais cette annulation de dernière minute laisse à penser qu’elle réserve à des conditions plus favorables – acoustiques et météorologiques – ses débuts dans le « rôle des rôles ». Grande habituée de celui-ci (mais aussi d’Adalgisa, qu’elle chantait encore en début de saison à Marseille face à la druidesse de Karine Deshayes), Salome Jicia impressionne par un geste vocal d’une sûreté et d’une autorité remarquables, tout en dosant parfaitement ses effets pour arriver suffisamment fraîche à la fin.

Actrice et diseuse de grande classe, sachant tirer d’un instrument aux registres très contrastés, voire anguleux, des couleurs captivantes, avec ce qu’il faut de suspension dans le son pour « Casta Diva » ou de soudains et inattendus pianissimi, de tranchant – à la limite de la dureté – dans des aigus dardés (« Oh, non tremare, o perfido ») et de corps dans le grave (« In mia man alfin tu sei »), la soprano géorgienne surprend et émeut à chaque instant.

Emily Sierra ne dispose sans doute pas d’une palette aussi variée, ni d’une technique aussi belcantiste, mais son mezzo est beau, solide et homogène, et surtout, leur entente musicale fait de leurs duos des moments magiques. Enfin, Kaarin Cecilia Phelps impose en quelques phrases une Clotilda aussi pertinente que bien chantante.

Malgré des conditions spartiates (chaleur étouffante, dureté des gradins en dépit du coussin fourni, exiguïté de la place réservée à chacun, surtitrage minuscule), la magie bellinienne a bel et bien opéré sous le ciel varois grâce à la beauté du chant.

THIERRY GUYENNE

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