Opéras La traviata à Vérone
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La traviata à Vérone

08/07/2025
Amartuvshin Enkhbat et Angel Blue. © Ennevi Foto

Arena, 27 juin

Mettre en scène La traviata dans l’immense vaisseau des Arènes de Vérone relève de la gageure. Dans cette production de 2011 (voir O. M. n° 66 p. 68 d’octobre), déjà reprise en 2013 et 2016, Hugo De Ana a choisi d’en transposer l’action dans les années 1890. Son décor, un ensemble de gigantesques cadres vides, lui permet de mettre en relief les scènes intimes tout en gérant les moments spectaculaires comme la fête du premier acte et celle chez Flora, offrant au public avec le ballet des gitanes et des matadors l’intermède brillant nécessaire à un spectacle populaire d’extérieur qu’il conclut avec un inattendu et bref petit feu d’artifice.

Après l’agitation un peu confuse du premier acte, l’énorme chœur massé de part et d’autre du centre de la scène semble plutôt meubler l’espace que participer à l’action, mais son immobilité a au moins le mérite d’en garantir l’homogénéité. Violetta apparaît pendant le Prélude au milieu de ces cadres vides tandis que des femmes en deuil semblent vouloir reconstituer les images en lambeaux de sa vie jonchant le sol. Elles réapparaîtront au finale dans l’espace resserré d’une mansarde fort bien suggérée, où Violetta s’éteint parmi les restes de sa splendeur. La vision reste assez littérale avec une certaine volonté de réalisme – la protagoniste notamment est régulièrement prise de quintes de toux.

Dans le rôle-titre, Angel Blue offre une incarnation qui grandit au fil des scènes et qu’elle conclut avec une scène de mort de toute beauté. Sa voix large de grand lyrique au timbre ambré peine en revanche particulièrement dans la cabalette de sa grande scène d’entrée dont les suraigus sont durs et frôlent le cri. Cette tension restera perceptible dès que la tessiture s’élève un peu trop, mais les actes suivant mettent surtout en valeur une splendide musicalité doublée d’une recherche expressive de tous les instants. Elle trouve en Amartuvshin Enkhbat un partenaire à sa mesure et leur duo de l’acte II est l’un des sommets de la soirée. Avec son baryton grand format, ce dernier compose un Germont uniformément autoritaire, malgré sa recherche de subtiles nuances dynamiques, notamment dans son duo avec son fils.

L’Alfredo de Galeano Salas ne paraît pas tout à fait au même niveau en termes de format vocal. Certes plutôt bien chantant, son phrasé paraît un peu raide et son timbre assez sec manque de brillant pour les premières scènes. Pauvre en harmoniques, il prive son personnage de ce lyrisme naturel que lui confèrent les voix plus richement timbrées. Du côté des petits rôles, on distinguera particulièrement le baron Douphol de Gabriele Sagona, l’excellente Annina de Francesca Maionchi et le Docteur Grenvil de Giorgi Manoshvili, mais l’ensemble des comprimari et des silhouettes sont tenus avec compétence.

Speranza Scappucci dirige dans un savant équilibre entre tension dramatique et soutien aux chanteurs qui se traduit par des tempi très modérés voire lents, comme ceux du dernier duo « Parigi, o cara », qui semblent vouloir étirer la soirée au-delà du raisonnable, d’autant que l’œuvre est donnée avec une partie des reprises. Le choix est particulièrement payant dans le cas d’« Addio del passato », où Angel Blue peut montrer sa capacité à varier une ligne mélodique après une lecture de la lettre mettant en valeur la qualité de sa diction. La production, efficace sinon très imaginative, se taille au final un succès amplement mérité.

ALFRED CARON

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