Opéras Le nozze di Figaro à Caen
Opéras

Le nozze di Figaro à Caen

29/04/2025
© Marek Olbrzymek

Théâtre, 25 avril 

Venues de Brno où elles ont été créées au Théâtre national en mars dernier, ces Nozze di Figaro (coproduites par le théâtre de Caen) font la preuve qu’il est encore possible de mettre en scène l’opéra de Mozart sans en extrapoler le message ni en transposer l’action. Sans jamais en forcer le sens, elle restitue à ce chef-d’œuvre où transparaît à tout moment le génie même du XVIIIe siècle, ce qu’il a de plus moderne, notamment dans le regard sur les rapports entre les sexes qui, malgré les costumes d’époque, y prennent une tonalité singulièrement contemporaine.

Dans un décor gigogne qui permet les changements à vue, de la petite chambre des serviteurs de l’acte I au jardin final, la mise en scène ajoute un élément chorégraphique qui vient en souligner le sens des airs avec beaucoup d’à-propos. Six danseurs à l’allure aristocratique incarnant la noblesse, forment la « cour » du Comte Almaviva. Ils apparaissent dès l’ouverture, Basilio faisant office de maître de ballet et le seigneur dansant en son centre en habit d’apparat. Dans cette vision, le petit peuple se révèle souvent frondeur, suggérant habilement les prémices révolutionnaires dans une œuvre créée en 1786, comme le rappelle judicieusement un carton au début. Pour le chassé-croisé final, costumes et décor évoquent sans vulgarité le triomphe du désir et de l’érotisme déjà bien présents dans les tableaux précédents. Après le pardon de la Comtesse, le rideau tombe la laissant à l’avant-scène poursuivie par Cherubino, comme pour annoncer la fin de la trilogie de Beaumarchais.

On ne saurait trop féliciter Václav Luks d’avoir choisi de donner la partition dans son intégralité en restituant les deux airs de Marcelline et de Basilio, toujours coupés, car outre leur intérêt intrinsèque, ils prennent dans ce contexte une tonalité remarquablement pertinente. À la tête du Collegium 1704, sur instruments anciens, le chef tchèque donne une vision particulièrement vivante et brillamment articulée de la partition, soutenant un plateau qui forme une excellente équipe et dont la somme des parties est bien supérieure à chaque élément pris individuellement, comme le laissent entendre des ensembles d’une remarquable précision.

Dans le rôle-titre, le baryton Roman Hoza a pour lui l’énergie et la jeunesse et porte son personnage avec efficacité et séduction, malgré un petit déficit dans le grave. Si la Susanna de Doubravka Novotná paraît d’abord un rien trop pétulante, elle convainc au fil de la soirée et finit sur un très élégant « Deh vieni, non tardar ». La Comtesse de Simona Šaturová paraît un rien fatiguée, le médium assez pâle, l’aigu s’amenuisant quelque peu, mais elle le compense largement avec un style et une classe qui font oublier ces quelques limites. Curieusement, dans cette version sur instruments anciens et à l’agogique dans le droit fil baroque, elle est la seule avec le Cherubino assez léger de Václava Krejčí Housková à varier la reprise de ses airs, ce qui donne à son « Porgi amor » une originalité incontestable. Seul italien de la distribution, Luigi de Donato reste paradoxalement le moins convaincant, parlant les récitatifs plus qu’il ne les chante et manquant d’évidence de la carrure nécessaire pour son grand air de fureur du troisième acte. On se demande pourquoi avoir distribué une basse dans un emploi que la tradition a toujours considéré comme baryton.

Dans les petits rôles bouffes, la caractérisation prime sur la qualité des voix mais elle est particulièrement réussie et tous mériteraient d’être cités depuis le couple Marcelline-Bartolo jusqu’au jardinier et au notaire, en passant par la délicate Barbarina d’Helena Hozová. Le chœur tchèque est d’une homogénéité exemplaire et particulièrement séduisant du côté des voix féminines.

Si le public caennais n’applaudit curieusement aucun air, il réserve un accueil enthousiaste à cette production remarquable dans son originalité et sa fidélité au chef-d’œuvre mozartien.

ALFRED CARON

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