Opéras L’Avenir nous le dira à Lyon
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L’Avenir nous le dira à Lyon

28/03/2025
© Jean-Louis Fernandez

Théâtre National Populaire de Villeurbanne, 15 mars

Second volet du festival, l’opéra pour enfants L’Avenir nous le dira est déjà en soi un défi technique. La compositrice Diana Soh, à six mains avec ses consœurs Emmanuelle Destremau au livret et Alice Laloy à la conception et à la mise en scène, a conçu une fable sonore d’une heure pour orchestre mécanique et chœur d’enfants, façon œuvre d’art total. Manœuvré par une vingtaine de techniciens en coulisses, l’ouvrage entremêle les disciplines avec son orchestre-décor sur scène et son jeune chef, Louis Gal, seul dans la fosse pour coordonner la Maîtrise de l’Opéra de Lyon avec un vaste ensemble automatisé de percussions. À base de cloches, sirènes, woodblocks, crotales, gongs, cymbales et autres bâtons de pluie, le dispositif ressemble aux installations du sculpteur suisse Jean Tinguely, sans oublier quelques accessoires actionnés par les trente-sept enfants eux-mêmes (sifflets, plaques à tonnerre), qui investissent la scène tels des Nibelungen sortant de leur mine sans adultes dans leur espace de jeu. 

Après un court prologue parlé où le public est amené à résoudre une charade – et où, au passage, la salle, comme un seul homme, propose comme réponse à « le politique le fait admirablement » le verbe « mentir » –, un minuteur d’une heure tout rond se déclenche pour égrener les trois tableaux de l’opéra. Dans un langage musical tout sauf aisé pour des chanteurs juniors, sorte d’Ionisation de Varèse décuplé en longueur, le spectacle dresse un tableau abyssal de l’avenir de la génération Z. On ressent un véritable effroi devant la perspective d’un monde chaotique comme jamais. Loin de toute pureté de l’enfance, ces adultes en devenir y seront appelés à gérer le futur apocalyptique d’une planète en surchauffe et à trouver leur place dans un univers automatisé où l’humanité n’a cessé de dériver vers un individualisme forcené et le partage de la pensée avec l’intelligence artificielle.

Après la lente mise en branle de l’orchestre, les enfants émergent de boîtes en carton et, d’abord vierges de toute parole, s’initient au langage dans le pur style du théâtre musical, à base de syllabes et d’onomatopées. Les enfants-boîtes apprennent à dire avant de devenir enfants-machines à délivrer des présages, à base d’apprentissage du rythme et de l’harmonie. La mécanique ne sera pas sans se gripper, en bégaiements et formules pour adultes (« balancer la sauce »). 

Chacun enfilera enfin une tenue inspirée par une carte du tarot de Marseille pour le défilé des enfants-figures alertant sur les grands principes mis à mal de la démocratie et du vivre-ensemble. Le compte à rebours précipite l’appel au collectif, au passage du « je » au « nous » afin que demain ne rime pas avec chagrin. Une logique imperturbable après l’interrogation-réponse « Le truc que les humains font le mieux ? Le gâchis », tombant comme un couperet dans un charivari anxiogène. Si l’ensemble tire parfois à hue et à dia, et refuse aux enfants toute innocence, on reste médusé par la virtuosité d’un spectacle au cordeau, à la Metropolis, devant l’énergie inépuisable de ces gamins ayant parfaitement ingéré depuis deux ans et demi un opéra aussi complexe tant au point de vue musical que scénique. Un tour de force qui, à lui seul, redonnerait foi en l’humanité.

YANNICK MILLON

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