Opéras Guillaume Tell à Liège
Opéras

Guillaume Tell à Liège

27/03/2025
John Osborn et Nicola Alaimo. © ORW-Liège/Jonathan Berger

Théâtre Royal, 12 mars 

Jean-Louis Grinda n’en est pas à son premier Guillaume Tell. Il avait déjà monté l’opéra de Rossini à Monte-Carlo en 2015 dans une production qu’il devait recycler pour les Chorégies d’Orange en 2019. D’évidence, la mise en scène que propose l’Opéra Royal de Wallonie en est la version partiellement renouvelée. Même plateau nu, mêmes projections sur un écran en fond de scène en guise de décor (ciel nuageux, forêt dans la brume et montagnes au soleil levant pour l’hymne à la liberté). Des coulisses pour les scènes d’intérieur auxquelles viennent s’ajouter le catafalque de Melchthal pour « Asile héréditaire » et un énorme crucifix au dernier acte pour la prière des femmes complètent le dispositif. Les nouveaux costumes mélangent désormais les XVIIIe (redingotes et tricornes), XIXe (l’amazone de Mathilde au deuxième acte) et XXe siècles (gendarmes en képi et bottes de cuir). La conception reste la même : chœurs statiques, direction d’acteurs minimale et trouvailles un peu lourdes telles Melchtal égorgé par Rodolphe à la fin du premier acte. Les meilleures idées sont à trouver du côté des chorégraphies d’Eugénie Andrin : danse des enfants pour la fête des pasteurs et ronde interminable, façon marathon de danse des années de la grande crise de 1929, où s’exprime la contrainte et la violence des Autrichiens sur les Helvètes.

La distribution nous ramène le Tell de Simone Alaimo, inchangé depuis Pesaro 2013. S’il possède le rôle sur le bout des doigts, son baryton reste un peu étroit pour lui donner toute sa dimension, l’obligeant souvent à déclamer plus qu’à chanter et à compenser par une caractérisation un rien excessive. On reconnaîtra en revanche que l’interprète est au rendez-vous et donne un relief remarquable à son grand air du troisième acte. John Osborn aborde Arnold sur le versant vaillant avec des contre-ut poussés en voix de poitrine dignes de Gilbert Duprez, mais aussi un certain manque de finesse pour les aspects plus lyriques du rôle. Parmi les qualités qu’il partage avec l’ensemble de la distribution, notons une articulation française impeccable. On attendait beaucoup de la Mathilde de Salome Jicia, et la déception est à l’aune de cette attente. « Sombres forêts » manque d’ampleur et tombe du reste dans l’indifférence totale du public. Le médium paraît absent et l’aigu forcé. Son air vocalisant du troisième acte peine à passer la rampe et elle ne semble retrouver ses moyens que pour l’affrontement avec Gessler et le trio féminin où la rejoignent le Jemmy très en voix d’Elena Galitskaya qui campe un adolescent très crédible, et l’Hedwige au grave profond et velouté d’Emanuela Pascu. Du côté des basses, Ugo Rabec habilement grimé incarne un Melchtal un peu âpre de timbre, mais parfaitement crédible, et Patrick Bolleire un Fürst solide et puissant.

Les petits rôles sont remarquablement distribués. Imposant, le Gessler de la basse coréenne Inho Jeong, malgré une articulation un peu pâteuse dans les récitatifs. Expressif et bien timbré, le Rodolphe de Krešimir Špicer, et convaincant, le Leuthold de Tomislav Lavoie. Le pêcheur de Nico Darmanin n’a pour lui que de beaux aigus dans sa barcarolle du premier acte, mais ils sont là. Les chœurs masculins paraissent un peu maigres pour la scène des trois cantons, mais constituent un groupe parfaitement homogène avec les femmes qui les rejoignent dans les grands ensembles. Dans la fosse, Stefano Montanari dirige un peu à la hussarde, faisant souvent de la partition une charge de cavalerie et forçant sur le volume sonore et la vitesse des tempi. Est-ce en vue d’écourter une soirée de près de quatre heures, où les coupures minimales contribuent à l’impact et la cohérence de l’œuvre, notamment dans les deux derniers actes bien resserrés et nettement plus convaincants que les deux premiers ?

ALFRED CARON

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