Ensemble Diderot, dir. Johannes Pramsohler
1 CD Audax Records ADX 11210
Intrinsèquement liée aux rôles de patriarche, de sage, de seigneur, de devin et parfois même à ceux de créatures inquiétantes (-cyclopes), la voix de basse s’impose par sa profondeur et sa noblesse de ton, conférant une autorité indéniable. C’est au fil des mutations de l’histoire de la musique lyrique – du baroque jusqu’à nos jours – que ce timbre, aux accents abyssaux, s’est affirmé à travers des figures multiples, dont certaines sont devenues légendaires. Avec ce récital couvrant près d’un siècle de créations à l’opéra – de L’incoronazione di Poppea de Monteverdi (1642) à Orlando de Haendel (1733) –, Nahuel Di Pierro éblouit par ses aptitudes vocales exceptionnelles et, plus encore, par ses incarnations vibrantes. Toujours en parfaite adéquation avec l’atmosphère, le texte et la musique de chaque œuvre abordée (dont quelques inédits bienvenus de Bononcini, Giannettini, Sartorio et Ziani), le chanteur argentin exploite avec maestria toutes les ressources expressives de son ambitus. Ses sobres épanchements en Sénèque (« Amici, è giunta l’ora », L’incoronazione di Poppea de Monteverdi), ses intonations subtiles en Hercule (« Ma qual pungente arsura », Ercole amante de Cavalli) ou encore ses inflexions troublantes en Tibère (« Selve amiche », La prosperità di Elio Seiano de Ziani) préludent à une expressivité de plus en plus exaltante, à mesure que le florilège évolue vers les accents virtuoses du baroque flamboyant.
Ainsi, on ne peut qu’applaudir l’impact prodigieux de ses incarnations haendéliennes ou vivaldiennes : Polyphème (« Fra l’ombre e gl’orrori », Aci, Galatea e Polifemo), Claudio (« Cade il mondo », Agrippina), Zoroastre (« Sorge infausta una procella », Orlando), Arganthe (« Sibilar gli angui d’Aletto », Rinaldo) ou Tito Manlio (« Se il cor guerriero », Tito Manlio). Par son chant idéalement ductile et équilibré, Nahuel Di Pierro parvient à préserver un lyrisme admirable, ce qui, dans sa catégorie vocale, est rare : ni les impressionnants sauts d’octaves ni les implacables vocalises ne viennent altérer le galbe de la ligne de chant. Épaulé dans ses affects les plus contrastés par les radieux pupitres de l’Ensemble Diderot, sous la direction inspirée de Johannes Pramsohler au violon, le chanteur livre ici un disque à la fois accompli et d’une intense beauté.
CYRIL MAZIN
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