Opéras Tristan de retour à Liège
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Tristan de retour à Liège

31/01/2025
Lianna Haroutounian (Isolde) et Michael Weinius (Tristan). © ORW-Liège/Jonathan Berger.jpg

Opéra Royal de Wallonie, 28 janvier

Ce Tristan und Isolde crée l’événement à l’Opéra Royal de Wallonie, où le chef-d’œuvre de Wagner n’avait pas été donné depuis… 1926. Le choix du metteur en scène s’est porté sur Jean-Claude Berutti, dont la proposition très consensuelle signée a le mérite de ne pas trop encombrer intellectuellement en réduisant l’intérêt à une vidéo et quelques éléments fixes. On pourrait confondre cet encombrant figurant en costume et chapeau blanc avec le Aschenbach de Mort à Venise de Visconti, mais on comprend rapidement qu’il s’agit là du double de Tristan, portant dès le lever de rideau les stigmates de sa blessure mortelle. L’acte I se contente d’une vidéo montrant une mer qui ondule et quelques marins manipulant des caisses en osier, là où à l’acte II, c’est la forêt sombre et la fontaine qui réunissent les amants autour du fameux brasero. 

Une lecture très littérale, en somme, mais qui tente toutefois de combiner réalité et délire en présentant assez maladroitement la confusion entre le héros et son double dans un dernier acte ponctué par la pénible image d’une Isolde en infirmière psychiatrique, clé de voûte de cette dramaturgie tout public. Giampaolo Bisanti confond énergie et sentiment, livrant une lecture orchestrale où l’absence d’équilibre entre les différents pupitres joue la carte d’un Wagner grandiloquent. L’orchestre est mis à rude épreuve, couvrant régulièrement un plateau qui se voit contraint de hausser lui aussi le volume. Première victime de ce traitement de choc, la Brangäne de Violeta Urmana, dont le vibrato envahissant trahit un instrument qui porte mal le souvenir de ses meilleures années, y compris dans le rôle d’Isolde qu’elle chantait, il y a dix ans encore, à Bastille, dans la célèbre production Sellars-Viola. Elle passe ici le témoin à une Lianna Haroutounian qui fait le pari d’aborder pour la première fois Wagner par l’un des rôles les plus difficiles. La matière est d’une flexibilité éminemment italienne, régulièrement mise à mal dans des montées à l’aigu rendues particulièrement périlleuses par le volume de l’orchestre et la difficulté de l’écriture.

La soprano arménienne compense la modestie du format par un investissement de premier ordre qui force l’admiration. Elle l’emporte assurément sur le pâle Michael Weinius, Tristan atone et peu inspiré, mais qui connait son rôle et sait se réserver pour se livrer totalement à l’acte III. Evgeny Stavinsky est très correct en Roi Marke, tenant le personnage à distance des gouffres psychologiques que d’autres y dévoilent. Plus pertinent et mieux en phase, le Kurwenal de Birger Radde ne manque pas d’atouts, avec un phrasé et une ligne qui donne au compagnon de Tristan un profil véhément et héroïque. L’émission un peu durcie du Jeune Marin de Zwakele Tshabalala cède en intérêt à la belle présence de Bernard Aty Monga Ngoy dans le court rôle du Timonier et au Melot vibré et sonore d’Alexander Marev.

DAVID VERDIER

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