Opéra, 22 novembre
Pour la très opportune création de Fortunio (Paris, 1907), à Lausanne, on se réjouit de cette reprise, excellemment assurée par Laurent Delvert, de la production conçue par Denis Podalydès, sociétaire de la Comédie-Française, pour l’Opéra-Comique, en 2009, heureusement pérennisée par un DVD Naxos, en 2019 (voir O. M. n° 167 p. 67 de décembre 2020), avant d’être présentée par l’Opéra National de Lorraine, en 2022.
En partie nouveau, le plateau vocal répond à notre attente. Avant tout, avec le Fortunio de Pierre Derhet, déjà présent à Nancy, après avoir été D’Azincourt, à Paris. Le ténor belge paraît plus vrai que nature, dans sa façon d’assumer une timidité et une innocence natives, avant la montée progressive, puis l’explosion des sursauts de passion, avec toute la beauté requise du timbre, sans excès de faire paraître.
En face de lui, la première Jacqueline de Sandrine Buendia surprend, d’abord, par la légèreté d’une voix moins bien projetée – et qui pâlit du voisinage de ses partenaires masculins, tous très performants sur ce plan –, là où l’on attendrait, aussi, plus de rondeur et un médium plus chaleureux.
Christophe Gay assume, brillamment, la prise de rôle d’un irrésistible Clavaroche, tandis que Philippe-Nicolas Martin reprend, avec bonheur, son excellent Landry. Et l’on pardonnera facilement au Maître André de Marc Barrard, idéalement caractérisé, une unique omission de liaison – « J’étais jaloux encore », au IV) !
Pour ses débuts in loco, Anass Ismat, longtemps attaché à l’Opéra de Dijon, assure la très belle prestation du Chœur de la maison. Mais on est constamment enchanté, surtout, par la direction de Marc Leroy-Calatayud, qui trouve d’emblée, avec un très performant orchestre (Sinfonietta de Lausanne), le ton juste de l’œuvre.
Un vrai moment de bonheur, justement salué par une salle enthousiaste.
FRANÇOIS LEHEL