Opéras Thaïs musicalement réussie à Saint-Étienne
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Thaïs musicalement réussie à Saint-Étienne

10/12/2024
Jérôme Boutillier (Athanaël) et Ruth Iniesta (Thaïs). © Opéra de Saint-Étienne/Cyrille Cauvet

Grand Théâtre Massenet, 19 novembre

Thaïs n’avait plus régné sur Saint-Étienne, depuis janvier 2009 (voir O. M. n° 38 p. 40 de mars). Elle revient troubler le public de l’Opéra, dans une nouvelle production, confiée à Pierre-Emmanuel Rousseau.

Est-ce tâche aisée, dans un XXIe siècle qui s’y connaît en turpitudes et intégrismes divers, de présenter, non l’œuvre lyrique, certes, mais son sujet, inspiré du roman d’Anatole France ? La mise en scène, les décors et costumes de Pierre-Emmanuel Rousseau, les lumières de Gilles Gentner, la chorégraphie de Carmine De Amicis affrontent la difficulté en une transposition inégalement réussie.

Alexandrie, avec la figure provocante de la courtisane Thaïs, s’oppose au désert, où la macération est censée conduire à la rédemption. Le clergé semble évoqué par les longues robes noires des recluses (les « filles blanches » d’Albine), le désert par un rideau jaune d’or, qui peut devenir, à l’occasion, le mur du monastère.

Le palais de Nicias, jeune débauché, c’est le cabaret, voire le lupanar, où de vieux bourgeois en liquettes s’accouplent à des hétaïres en guêpières fuchsia. Un danseur virtuose, sur talons aiguilles – Carlo D’Abramo –, double l’héroïne, tant que dure sa vie dissipée. Aussi commence-t-elle l’acte II (« Je suis seule, seule, enfin ! ») en sa très proche compagnie.

Ruth Iniesta supporte vaillamment le costume racoleur de sa phase païenne, l’auto-mutilation, qui en conclut les turpitudes, les ténèbres de sa montée vers la lumière. L’aigu infaillible de la soprano espagnole, la précision de sa diction lui valent une ovation méritée.

Pas davantage gâté par le costume, le maquillage, la direction d’acteurs, qui le force à ramper et à se flageller, Jérôme Boutillier impose un Athanaël névrosé, mais bien chantant. Sans forcer ni élargir le son, le baryton français délivre un remarquable « Voilà donc la terrible cité ! » et un très lyrique duo « de l’oasis ». Pourquoi l’autoritaire verticalité du personnage s’accompagne-t-elle d’une reptation vacillante aux pieds de la pécheresse scarifiée, qu’il conduit vers le salut ?

Le reste de la distribution échappe à ces contradictions. En Nicias, Léo Vermot-Desroches convainc par sa vaillance, la solidité de son registre supérieur, le legato de sa phrase « Nous nous sommes aimés une longue semaine… ». Tandis que Louise Pingeot, Charmeuse aux aigus ensorcelants, allège le long épisode confié aux ballets intégraux, les plaisantes Marion Grange et Eléonore Gagey, en Crobyle et Myrtale, s’acquittent des difficultés vocales qui leur sont confiées.

Guilhem Worms, par son grave profond et la dignité de son discours, délivre le message décisif du moine Palémon : « Ne nous mêlons jamais aux gens du siècle. » Quant à la « vénérable Albine », elle a la voix sombre et la noble déclamation de Marie Gautrot. Comme à l’accoutumée, le Chœur Lyrique Saint-Étienne Loire, préparé par Laurent Touche, ménage de grands moments de musique pure.

L’Orchestre Symphonique Saint-Étienne Loire accomplit sa mission de protagoniste, tour à tour voluptueux et séraphique. La direction de Victorien Vanoosten excelle dans les sinuosités mélodiques et les raffinements d’écriture.

PATRICE HENRIOT

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