Opéra, 16 octobre
La mise en scène du rare Polifemo de Porpora, signée Bruno Ravella – et reprise, à l’Opéra de Lille, coproducteur du spectacle, par John Wilkie –, se laisse revoir sans déplaisir, mais pas davantage d’enthousiasme qu’à sa création, à l’Opéra National du Rhin, en février dernier (voir O. M. n° 200 p. 73 de mars 2024).
La transposition sur le tournage d’un péplum à Cinecittà, dans les années 1960, a, en effet, beau être habile, colorée, parfois même pittoresque, ce cadre n’est pas exploité avec suffisamment de fantaisie pour nous tenir vraiment en haleine.
La distribution n’ayant été modifiée qu’à demi, les retrouvailles avec trois des protagonistes présents à Strasbourg procurent leur lot de réjouissances. Y compris pour le rôle-titre, un José Coca Loza toujours trop caricatural en réalisateur/acteur/cyclope, mais à l’engorgement nettement moins marqué.
Sans doute faudrait-il bien plus qu’une acoustique flatteuse pour métamorphoser l’instrument, sec et sans projection, de Delphine Galou, dont la Calipso n’en brille pas moins par un abattage, physique et technique, souvent irrésistible.
Au sommet, et plus ample encore, Paul-Antoine Bénos-Djian confirme qu’il est l’un des meilleurs contre-ténors du moment, et que tous les rôles taillés aux mesures de Senesino, à l’instar de cet Ulisse, lui reviennent désormais de droit – à commencer par les grands emplois que Haendel destina à son castrat fétiche.
Parmi les nouvelles recrues, Florie Valiquette se distingue, en Nerea, par la fermeté de ses lignes galbées. Superbement épanouie dans cette écriture tantôt virtuose, tantôt élégiaque, Marie Lys ne laisse rien deviner de la bronchite annoncée – sauf, peut-être, pour qui l’a déjà entendue ailleurs, une moindre intrépidité dans l’ornementation et le suraigu.
La soprano suisse paraît, en tout cas, bien seule, ou mal accordée à Kangmin Justin Kim, dans le duo censé unir Galatea à Aci, au II. Entre ventriloque et gallinacé, dès que la colorature prend le pas sur le « canto spianato », où le trille tend, d’ailleurs, à se confondre avec le vibrato, le falsettiste coréo-américain n’arrive décidément pas à la cheville de son prédécesseur, Franco Fagioli – que d’aucuns n’ont pas manqué, à Strasbourg, de juger en supposé déclin. Et devrait se tenir éloigné des rôles écrits pour les moyens surhumains de Farinelli.
En résidence à l’Opéra de Lille depuis deux décennies, Le Concert d’Astrée y sonne, comme toujours, glorieux, sous la direction d’Emmanuelle Haïm, qui, par ses carrures affirmées, évite à l’accompagnement orchestral de n’être qu’un écrin, complaisant et décoratif, pour le chant.
MEHDI MAHDAVI