Teatro Pergolesi, 18 octobre
Alors que l’on fête le 250e anniversaire de la naissance de Gaspare Spontini (1774-1851), à quelques kilomètres de Jesi, le Teatro Pergolesi a choisi d’ouvrir sa saison avec son titre le plus célèbre : La Vestale (Paris, 1807), en coproduction avec Plaisance (Piacenza), Pise et Ravenne.
La nouvelle mise en scène de Gianluca Falaschi déplace l’intrigue de cette « tragédie lyrique », située dans l’Antiquité romaine, au XXe siècle, en établissant un parallèle entre l’héroïne et sa plus légendaire interprète : les tourments de Julia, déchirée entre son vœu de chasteté et son amour pour Licinius, deviennent ceux de Maria Callas, écartelée entre le feu sacré de l’art lyrique et sa passion pour Aristote Onassis.
Avant le début de l’Ouverture, on entend la voix de la diva gréco-américaine, expliquant dans une interview : « Il y a deux personnes en moi. J’aimerais être Maria, mais il y a aussi Callas. » Le rideau se lève donc sur un élégant salon, où se déroule un banquet, dans les années 1950. Les messieurs sont en smoking, les dames en robe de soirée, prêts à encenser la cantatrice, puis à la critiquer, quand elle mettra l’opéra de côté pour se consacrer à sa vie amoureuse.
Le conflit intérieur de Julia/Maria est symbolisé par son vêtement blanc, qu’elle ne cesse de vouloir soulever pour montrer le noir, caché en dessous. Pourquoi pas ? Sauf que le spectacle se transforme, dès lors, en une simplification de l’itinéraire artistique et humain de Callas, aussi fastidieuse et arbitraire que peu généreuse.
La partie musicale réserve de tout autres satisfactions, même si, pour en profiter, il faut faire l’effort de s’abstraire de ce qui se passe sur scène. Car l’opéra est donné dans l’original français, mais aussi dans sa quasi-intégralité, les longs ballets compris.
C’est tout à l’honneur du Teatro Pergolesi de les avoir respectés, mais encore aurait-il fallu les illustrer avec talent. Répétitive, avare d’idées et ennuyeuse, la chorégraphie de Luca Silvestrini ne parvient jamais à faire oublier ce que leur écriture musicale a de conventionnel et à quel point ils interrompent la continuité dramatique des finales du I et du III.
À qui confier le rôle de Licinius ? Spontini l’a conçu pour un baryténor (François Laïs), avant de l’adapter pour une voix plus aiguë (Étienne Lainez). En résulte une tessiture hybride, très grave pour un ténor et trop aiguë pour un baryton. Pour coller au plus près des intentions du compositeur, Jesi a fait le choix d’un vrai baryton, Bruno Taddia, qui relève le défi avec courage et musicalité. Reste qu’il sonne mal à l’aise dans certains passages, écrits trop haut pour lui, et où il est contraint de forcer.
Le contraste est, en revanche, excellent avec le Cinna de Joseph Dahdah, jeune ténor libanais à l’émission soignée, au médium riche et à la diction exemplaire. Daniela Pini affronte, avec autorité et assurance, les redoutables écueils de la Grande Vestale, aux côtés du solide Souverain Pontife d’Adriano Gramigni.
Carmela Remigio, enfin, incarne une Julia magistrale. Dominant toutes les difficultés d’un emploi meurtrier, elle atteint les cimes dans son grand air « Ô des infortunés, déesse tutélaire ! », rendu avec une maîtrise technique imparable et un fort pouvoir d’émotion.
À la tête de l’Orchestra La Corelli, Alessandro Benigni empoigne la partition avec conviction et enthousiasme. Sa lecture vaut par sa cohérence, sans toujours éviter une certaine pesanteur.
Le public, venu nombreux, réserve un accueil chaleureux à l’ensemble. La Vestale finira-t-elle par entrer durablement au répertoire ?
ERMANNO CALZOLAIO