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Boris Godounov interroge toujours à Avignon

02/07/2024
Luciano Batinic (Boris Godounov). © Studio Delestrade – Avignon

Opéra, 16 juin

Créée à l’Opéra de Monte-Carlo, en mai 2021 (voir O. M. n° 173 p. 53 de juin), cette production de Boris Godounov, signée Jean-Romain Vesperini, est reprise par l’Opéra Grand Avignon, avec un succès qui aurait mérité plus de deux représentations. Nous avons dit notre intérêt pour son originalité et ses réussites incontestables, en concluant que ce spectacle exigeant questionnerait longtemps.

La réplique avignonnaise interroge, davantage encore, sur le choix de la version originale de 1869. On demeure confondu par l’unité d’action autour de la culpabilité du protagoniste, que parvient à créer la scénographie de Bruno de Lavenère. Et l’on découvre mieux que Boris viendra y mourir sans étreindre son fils Fiodor, alors que derrière lui se tient l’enfant assassiné, auréolé d’une blancheur aveuglante.

Survolté, l’Orchestre National Avignon-Provence,  dirigé par Dmitry Sinkovsky, maintient l’angoisse de part en part. Dès les premières mesures, le drame s’impose et ne lâche plus le spectateur. La battue très claire, le phrasé du chef violoniste russe transfigurent, aussi, un Chœur de l’Opéra Grand Avignon exceptionnel, préparé par Alan Woodbridge.

La basse croate Luciano Batinic, à la stature monumentale, sait accepter la faille intérieure de Boris et son déchirement dans la scène d’hallucination, ainsi qu’une vraie tendresse dans les adieux à son fils – absent. Plus noire, la voix de Nika Guliashvili assure les deux récits qui constituent le rôle de Pimène, gardien de la mémoire.

Alexander Teliga est un Varlaam truculent, le solide Kresimir Spicer chantant presque trop bien le Prince Chouïski, intrigant fielleux. Pour Grigori l’ambitieux, futur usurpateur et séducteur, il faudrait, sans doute, plus d’affirmation que n’en donne François Rougier, mais l’Innocent, incarné par Blaise Rantoanina, bouleverse par sa mélopée sinueuse et douce.

Les rares rôles féminins permettent d’apprécier Svetlana Lifar, dont le mezzo opulent sert une Aubergiste haute en couleur et une Nourrice consolatrice, la jolie Xénia de Lysa Menu, et la jeune Estelle Bobey, Fiodor au soprano diaphane.

PATRICE HENRIOT

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