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Impressions de l’Espagne de De Falla à Metz

27/06/2024
Na’ama Goldman (Salud). © Opéra-Théâtre de l'Eurométropole de Metz/ Philippe Gisselbrecht

Opéra-Théâtre, 4 juin

Paul-Émile Fourny a déjà mis La vida breve (La Vie brève) en images dans deux productions différentes. D’abord à Nice, en 1997 – spectacle repris, dans le même théâtre, en 2004, puis à Saint-Étienne, en 2008 –, avant une seconde lecture, à Metz, en juin 2014 (voir O. M. n° 98 p. 66 de septembre), en équipe, cette fois, avec Emmanuelle Favre, pour les décors, et la toujours aussi talentueuse Giovanna Fiorentini, pour les costumes. Un travail très abouti et harmonieux, que le directeur de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz reprend sur la même scène, dix ans plus tard, en l’adaptant, certes, à une distribution entièrement renouvelée, mais sans avoir à le modifier significativement.

En effet, tout paraît très bien équilibré dans cette scénographie sobre, qui nous fait passer, insensiblement, d’une cour intérieure de Grenade à l’autre, en faisant glisser des murs nus, baignés d’une chaude lumière andalouse (superbes éclairages de Patrick Méeüs). L’ambiance du quartier si particulier de l’Albaicin est bien restituée, et même si l’évocation reste prudente, avec des chocs de couleurs atténués à dessein, ces impressions d’Espagne touchent au plus juste.

Très heureuse, également, la gestion des chœurs, d’abord hors scène, conformément aux indications du livret, puis, beaucoup plus rapidement que prévu, sur le plateau. Un vrai coup de théâtre, qui donne une profondeur dramatique inhabituelle au second tableau de l’acte I, évocation symphonique d’une fin de journée à Grenade – un passage joliment habité, dans une ambiance de recueillement religieux, par la timide présence d’« oiseau qui doit mourir » d’une très jeune fille, double muet de Salud, amoureuse délaissée et sacrifiée.

Ambiance plus vériste ensuite, conforme à l’esprit de cette œuvre de jeunesse. L’évocation d’un mariage andalou, dans une famille nantie, est élégamment réalisée, avec ses danses chorégraphiées, par Lorena Coppola, dans un style flamenco consensuellement adouci. Mais surtout, l’ensemble de la fête est longuement observé, à travers un rideau de tulle, tendu à l’avant-scène, par Salud et son clan de gitans indésirables, avant que cette fluide barrière, à l’effigie d’une Vierge en larmes, ne s’efface enfin, pour une confrontation brève, mais définitive, entre Paco, l’amant infidèle, et Salud, qui s’effondre morte à ses pieds.

L’authenticité de cet acte II doit beaucoup, aussi, à la direction musicale de José Miguel Pérez-Sierra, qui fédère ses forces orchestrales et chorales, avec un sens très idiomatique de la tension et des contrastes. Une acoustique trop franche et présente nuit, en revanche, à la poésie plus impressionniste des deux tableaux du I.

Distribution remarquable, dont on retient, tout particulièrement, le timbre intensément émouvant de la mezzo albanaise Vikena Kamenica, dont les hurlements de détresse nous glacent le sang, lors du dénouement. Mais on citera, aussi, la Salud déterminée et juste de Na’ama Goldman, le Paco bien chantant de Jean-Michel Richer, dans un rôle ingrat, dont il essaie de caractériser au mieux la lâcheté, et, bien sûr, le Cantaor (ici, une cantaora) de Laura Gallego Cabezas, à l’émission violentée, jusqu’à des raucités proches de l’accident vocal, mais sans jamais que celui-ci ne se produise.

En première partie, le couplage avec El amor brujo (L’Amour sorcier), toujours de Manuel de Falla, est logique, et l’utilisation du même dispositif scénique unifie un peu la soirée – encore que l’esthétique de cette création du chorégraphe Gilles Schamber soit, en fait, assez différente. Deux vraies couleurs, seulement – un bleu cobalt pour les costumes des sept danseurs, et un rouge pourpre pour les sept danseuses –, des éclairages plus froids, et une relative abstraction.

Ici, il est, avant tout, question de désir amoureux, et, hors un jeu complexe de manteaux agités comme des muletas dans l’arène, l’hispanisme reste peu marqué. L’excellente mezzo espagnole Patricia Illera – en seconde partie, Carmela dans La vida breve – chante dans un style parfait, en se mêlant aux danseurs, dans un espace quand même très exigu, ce beau travail sur les corps marquant, surtout, par ses gradations, y compris quand celles-ci sont interrompues par de longs solos masculins, dansés sur d’audacieuses plages de silence complet.

LAURENT BARTHEL

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