Théâtre, 26 mai
Pour cette nouvelle production de La Belle Hélène, montée par la compagnie Opéra Éclaté, le metteur en scène Olivier Desbordes a eu une idée aussi ingénieuse qu’efficace : oubliant la Grèce antique qu’Offenbach, avec la complicité de ses librettistes Meilhac & Halévy, a tournée en dérision, il transpose action et personnages à l’époque actuelle.
Le spectateur devient un lecteur du magazine Point de vue, à l’affût des têtes couronnées, telles que les traquent les paparazzi. Les dialogues parlés ont droit à une réécriture, qui les actualise en les parsemant de clins d’œil, propres à réjouir le public. Les airs chantés ne subissent, en revanche, aucun changement, la malice d’Offenbach fonctionnant dans toute sa fraîcheur.
Dès le début, Calchas, grand augure de Jupiter, se métamorphose en ecclésiastique à soutane, flanqué de son enfant de chœur. À son entrée, Hélène arbore tailleur, bibi et sac vert pomme, dignes des plus beaux jours de la feue reine Élisabeth II, et mène une manifestation féministe. Oreste adopte le costume blanc de John Travolta dans La Fièvre du samedi soir (Saturday Night Fever, 1977). Quant à Pâris, son béret basque accentue sa ressemblance avec le regretté Coluche.
Quand Ménélas, auquel sa moustache donne un air niais d’autosatisfaction béate, revient pour surprendre sa femme adultère, il est en tenue de skieur, avec bonnet à pompon. Et Agamemnon, d’abord paré d’une longue traîne écarlate, se retrouve en caleçon de bain et claquettes. À la fin, tout ce beau monde se lance dans un « Pars pour Cythère ! » endiablé.
Peu visible, l’orchestre est dissimulé au fond du plateau, ce qui n’empêche pas Gaspard Brécourt de le diriger avec une alacrité bienvenue, ni d’imprimer à la partition le rythme échevelé voulu par Offenbach.
Jeune et alerte, la distribution chante et joue avec un entrain communicatif. Ahlima Mhamdi fait d’Hélène une brune brûlante ; ses aigus assurés ensoleillent son personnage de reine délurée. Le Pâris de Raphaël Jardin n’est pas un bellâtre, mais un joyeux drille, qui semble toujours méditer quelque méfait. Matthieu Toulouse donne à Calchas une autorité dérisoire des plus savoureuses, tandis que l’Agamemnon de Thibault de Damas plane sur les cimes de l’autorité bafouée, en compagnie du Ménélas bouffon d’Alfred Bironien.
Analia Téléga campe un Oreste insolent, alors que les deux Ajax, Alexis Brison et Eduard Ferenczi Gurban, sont des fiers-à-bras m’as-tu-vu, Fabio Sitzia incarnant un Achille foudre de guerre, réduit à l’impuissance. Quant à Aviva Manenti, Pauline Jolly et Flore Boixel, elles parodient, en Parthénis, Léœna et Bacchis, les groupies déchaînées que drainent les célébrités.
Cette production, qui respire la joie de vivre et de chanter, va partir en tournée, notamment chez ses coproducteurs, Clermont Auvergne Opéra et l’Opéra de Massy, jusqu’au printemps 2025. Attrapez-la au vol !
BRUNO VILLIEN