Opéras Un Pelléas plutôt grisâtre à Toulouse
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Un Pelléas plutôt grisâtre à Toulouse

05/06/2024
Tassis Christoyannis (Golaud) et Victoire Bunel (Mélisande). © Mirco Magliocca

Théâtre du Capitole, 24 mai

Plus que tout autre ouvrage lyrique, Pelléas et Mélisande repose sur des équilibres fragiles. Sa singularité ne s’exprime véritablement que lorsque, allant d’un même pas, voix, orchestre et mise en scène réussissent à suggérer plutôt qu’à affirmer avec force, chaque spectateur restant libre d’inventer, à sa guise, une intrigue dont ne lui sont jamais offertes que des bribes. Un seul faux pas, et tout s’écroule.

Or, il faut bien reconnaître, au terme de cette représentation, donnée par l’Opéra National Capitole Toulouse, que rien ne fonctionne, tout à fait, comme il se devrait. La faute en revient, principalement, à la mise en scène d’Éric Ruf, quasi inexistante dans le cadre d’un décor unique, aussi sombre de couleurs que vide de sens. D’autant que, depuis sa création, au Théâtre des Champs-Élysées, en mai 2017, cette production, reprise un peu partout (voir, en dernier lieu, O. M. n° 178 p. 66 de décembre-janvier 2021-2022), a incontestablement vieilli.

Élément le plus discutable de la distribution toulousaine, Victoire Bunel reste constamment extérieure à ce que pourrait être le personnage de Mélisande. Là où l’on attendrait une femme-enfant, fragile, mystérieuse, perverse, peut-être, nous n’avons qu’une chanteuse appliquée, au timbre ingrat, raide dans son jeu, avare dans ses élans.

Heureusement, Marc Mauillon apporte un peu de vie à leur duo. Allure juvénile, instrument ferme, à la prononciation idéalement ciselée, Pelléas trouve en lui un interprète, sinon idéal, du moins fort valable. Lui manque toutefois, comme à la plupart de ses partenaires, d’ailleurs, cette part de trouble, qui existe aussi bien chez Maeterlinck que chez Debussy.

Si la petite voix d’Anne Sophie Petit n’ajoute aucune crédibilité à la présence d’Yniold, Juliette Mars – remplaçant, pour cette seule représentation, Janina Baechle – réussit, en quelques phrases, à donner une certaine consistance au rôle de Geneviève. En revanche, Franz-Josef Selig, basse au timbre trop généreux, ne brosse qu’un portrait superficiel d’Arkel, dont on ne perçoit, à aucun moment, ni l’âge avancé, ni la sagesse profonde.

Dans cet ensemble plutôt grisâtre, Tassis Christoyannis est l’un des rares à trouver, en toutes circonstances, le ton juste. Ses grandes qualités de mélodiste, un tempérament dramatique que l’on ne soupçonnait pas toujours chez lui, permettent au baryton grec d’incarner un Golaud de haute lignée. Il sait être vrai sans être vériste, et doser ses emportements, tout en laissant deviner ses intimes blessures.

À la tête d’un Orchestre National du Capitole sonnant clair, bien que parfois trop fort, Leo Hussain défend, autant qu’il le peut, tout ce qui fait, depuis plus d’un siècle, la modernité infrangible de ce drame si humain, si secret, si impalpable.

PIERRE CADARS

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