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Lucrèce en dialogue avec la lune à Munich

01/06/2024
Natalie Lewis (La Voce) et Louise Foor (Lucrezia). © Wilfried Hösl

Cuvilliés-Theater, 30 avril

Sortie de purgatoire pour les opéras d’Ottorino Respighi (1879-1936) ? Après Maria Egiziaca, à Venise, en mars dernier (voir O. M. n° 202 p. 66 de mai 2024), et avant une nouvelle production de La fiamma, en septembre prochain, au Deutsche Oper de Berlin, le Bayerische Staatsoper de Munich – en l’occurrence, son Opernstudio – propose Lucrezia, dans le cadre intime du Cuvilliés-Theater, et dans une orchestration réduite de Richard Whilds, réalisée pour l’occasion.

Qualifié par Respighi d’« acte en trois moments », d’une durée d’une heure à peine, l’ouvrage est composé sur un livret du fidèle Claudio Guastalla, inspiré du poème de Shakespeare, The Rape of Lucrece (Le Viol de Lucrèce). Laissé inachevé à sa mort, il fut terminé par sa femme Elsa et par un de ses élèves, Ennio Porrino, puis rapidement créé, en 1937, à la Scala de Milan.

L’histoire est connue – notamment par l’opéra qu’y consacrera Benjamin Britten, neuf ans plus tard –, mais se double, ici, d’une sorte de référence, probablement fortuite, à Cosi fan tutte. Au premier « moment », Tarquinio, futur agresseur de Lucrezia, discute avec ses compagnons, dont Collatino, le mari de cette dernière, de la fidélité de leurs épouses restées chez elles, et propose de l’éprouver.

C’est, également, dans une orchestration réduite – déjà réalisée, en 2007, par Takenori Nemoto –, qu’est ensuite proposé Der Mond (Munich, 1939), présenté par Carl Orff (1895-1982) comme « un petit théâtre du monde ». Il s’agit d’une comédie, très allemande, tant par le conte des frères Grimm, sur lequel elle se base, que par la langue du livret, de la main du compositeur.

On sait que Serge Dorny, directeur général du Bayerische Staatsoper, a toujours eu à cœur de faire connaître les opéras courts – les réunir, sur une même affiche, étant une façon de leur redonner leur chance. Un drame, d’un côté ; une comédie onirique, de l’autre. Le mariage peut, toutefois, surprendre, tant il est vrai que les deux ouvrages n’ont pas grand-chose en commun – sinon l’époque de leur conception, et la présence, chez Orff, du Narrateur, correspondant à la Voix, chez Respighi.

Il y a, dans la partition de l’Italien, des moments d’une beauté troublante et fascinante, tandis que l’opéra de l’Allemand reste à un niveau plus prosaïque, mêlant quelques couleurs à la Kurt Weill – mais sans avoir la cohérence de ses œuvres théâtrales – et une poussée de lyrisme, au finale. Et s’il n’y a rien à retirer chez le premier, il reste quelques longueurs chez le second. Mais on sait gré à la cheffe allemande Ustina Dubitsky de défendre les deux ouvrages avec la même conviction, mettant en évidence les atouts spécifiques de chacun.

D’une distribution de jeunes chanteurs rivalisant d’excellence, on retiendra, tout particulièrement, la mezzo américaine Natalie Lewis et le ténor britannique Liam Bonthrone. En Lucrezia, la soprano belge Louise Foor a pour elle une vraie présence scénique, mais aussi une voix assez large, qui s’épanouit dans le grave.

Le spectacle de Tamara Trunova jette quelques ponts entre les deux œuvres, sous la forme de discrètes références visuelles, mais sans forcer le rapprochement. L’essentiel du propos est bien de raconter deux histoires très différentes.

Dans Lucrezia, la metteuse en scène ukrainienne mêle classicisme et quelques clichés d’une supposée modernité – cages de verre, téléphone portable, appareils électroménagers –, tandis que sa lecture de Der Mond joue plutôt la carte d’une douce naïveté. Mais le tout reste lisible, évitant autant la provocation que la niaiserie.

NICOLAS BLANMONT

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