Opéras Élégie bellinienne à Liège
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Élégie bellinienne à Liège

04/06/2024
Rosa Feola (Giulietta). © ORW-Liège/Jonathan Berger

Théâtre Royal, 23 mai

Lors d’une reprise d’I Capuleti e i Montecchi, à l’Opéra National de Paris, en mai 2008 (voir O. M. n° 31 p. 66 de juillet-août), Richard Martet notait que la primauté du chant était essentielle  pour cet « opéra, dans lequel il ne se passe pas grand-chose sur le plan théâtral ». Dans la nouvelle production de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège, confiée au metteur en scène Allex Aguilera, il ne se passe même à peu près rien – ce qui n’est pas trop grave, puisque la distribution vocale atteint à l’excellence.

L’opposition entre Capuleti et Montecchi implique principalement le chœur, représentant les familles rivales. Faute de direction d’acteurs, nul parti n’est pris, et ses vaillants membres restent statiques, alors qu’ils clament continuellement leur haine et leur fureur guerrière.

D’autant que les costumes élégants de Françoise Raybaud, évocateurs des salons où se côtoyaient Chopin, Musset et Bellini, lui-même, dessinent des silhouettes empesées, ne maniant guère les armes, dont les féroces Capuleti ne cessent, pourtant, de revendiquer l’emploi.

La scénographie n’apporte, quant à elle, aucun principe auquel arrimer l’action. Épris d’intemporalité, Allex Aguilera se contente d’un plateau légèrement incliné, de murailles grises et de rideaux rouges. Une sorte de boîte, grise, elle aussi, figure, en tournant, la chambre de Giulietta.

Rien de très nouveau, non plus, dans les vidéos d’Arnaud Pottier. Que d’eau ! Un peu plus, et les amants s’y noieraient, au lieu de s’empoisonner. Dernière projection, une ville en ruine, tandis que le chœur accuse Capellio d’avoir tué le jeune couple (« Da te , spietato ! »).

Quand elles rencontrent quelque chose à éclairer, les lumières de Luis Perdiguero ménagent des effets émouvants. Ainsi, le tombeau laisse entrevoir une vive irruption de clarté verticale, qui contraste avec les bougies disposées en cercle autour du corps de Giulietta.

Le couple infortuné, formé par Rosa Feola et Raffaella Lupinacci, ravit par son appariement. La soprano varie à l’infini la cantilène « Oh ! quante volte », et hisse Giulietta à la dignité cornélienne, dans l’imploration « Pace ad un cor che more ». La mezzo campe un Romeo passionné, déployant une voix longue et homogène, dont l’aigu s’unit à celui de sa partenaire.

La distribution masculine ne démérite pas. Maxim Mironov reste statique dans les imprécations de Tebaldo, dont il ne redoute pas le suraigu de « L’amo, ah ! l’amo ». Bien juvénile pour incarner l’inflexible Capellio, Roberto Lorenzi fait montre d’une riche voix de basse chantante. Enfin, pour la complexité du personnage de Lorenzo, Adolfo Corrado ne manque pas d’atouts. Sa grande scène, « Prendi, tal filtro è questo », porte beaucoup de mystère.

Après une Sinfonia très métronomique, Maurizio Benini veille à coordonner la fosse et le plateau. Les solistes de l’Orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège délivrent de grands moments.

Préparés par Denis Segond, les chœurs masculins font du finale du I, la séquence la plus animée d’une représentation élégiaque.

PATRICE HENRIOT

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