Opéras Rossini en cuisine à Heerlen
Opéras

Rossini en cuisine à Heerlen

04/06/2024
Alexia Macbeth (Giulia), Manuel Nuñez Camelino (Dorvil), Raoul Steffani (Germano) et Michael Wilmering (Blansac). © Opera Zuid/Joost Milde

Theater, 19 mai

Sans doute est-ce dans une intention métaphorique, ou comme une allusion à la réputation de gastronome du compositeur, que Marcos Darbyshire a installé l’action des deux farces vénitiennes de Rossini dans une cuisine, où un chef, incarné par Roderik Povel, témoin distant et amusé, prépare une improbable « pasticciata » qui finira « carbonisée » dans son four, au milieu des embrouillaminis. Les placards en sont très utiles pour La scala di seta (1812), où chacun se cache ou espionne les autres.

Dans sa transposition contemporaine, le metteur en scène argentin fait de Germano, le serviteur maladroit et indiscret, un adolescent un rien voyeur et tourmenté par le sexe. De temps en temps, un personnage, étranger à l’action, traverse le plateau pour venir se servir dans le frigo. C’est, bien sûr, le fameux Bruschino fils – rôle tenu par le ténor néerlandais Pim van Drunen –, mauvais sujet qui reparaîtra au dénouement, dans la seconde partie.

Dans ll signor Bruschino (1813), si le chef passe au second plan, la cuisine est toujours un théâtre, où se joue cette histoire de mariage contrarié et d’imposture, qui en fait tout le sel ; et elle permet quelques gags, comme cette parodie du film de Walt Disney, La Belle et le Clochard (Lady and the Tramp, 1955), et de leurs spaghetti, pendant le duo des amoureux.

Il est rare d’entendre deux farces rossiniennes successivement, et défendues par la même équipe. Celle réunie par Opera Zuid, dont les membres n’ont, dans leur majorité, guère dépassé la trentaine, se plie, avec beaucoup de souplesse, à une direction d’acteurs caractérisant finement les personnages, bien aidée par des costumes d’une parfaite lisibilité.

Aigus tendus et vocalises savonnées, la mezzo franco-britannique Alexia Macbeth ne convainc guère en Giulia, mais paraît nettement plus à son aise en Marianna. Par son abattage et sa voix corsée, la soprano américaine Chelsea Bonagura lui vole la vedette, avec sa Lucilla perchée sur de trop hauts talons, puis se révèle une Sofia plus épatante encore.

Si le ténor argentin Manuel Nuñez Camelino, dont l’émission peu franche ne se libère que dans le haut du registre, avec des aigus puissants et métalliques, paraît déjà bien fragile en Dorvil, Florville et son air d’entrée, très exposé, le mettent définitivement à mal. Le baryton néerlandais Raoul Steffani donne le meilleur de lui-même en Gennaro, avec un instrument prometteur et riche en couleurs, mais se révèle encore un peu juste  pour Gaudenzio.

Excellent Blansac, dans son numéro de play-boy dragueur et autosatisfait, son compatriote Michael Wilmering est, également, un Filiberto de grand luxe. Enfin, le baryton français Edwin Fardini compose un Bruschino père inhabituellement chic d’allure, et plus autoritaire que nature.

Dans la fosse, l’orchestre PhilZuid, sous la direction diligente du chef néerlandais Sander Teepen, se révèle parfaitement à la hauteur des exigences de ces deux partitions, où s’affirme déjà le génie d’orchestrateur de Rossini.

Avec cette production aussi ambitieuse que réjouissante, Opera Zuid conclut brillamment sa saison 2023-2024.

ALFRED CARON

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