Opéras Maria Egiziaca seule à Venise
Opéras

Maria Egiziaca seule à Venise

27/03/2024
Francesca Dotto (Maria Egiziaca). © Roberto Moro

Teatro Malibran, 8 mars

Les opéras d’Ottorino Respighi (1879-1936) sont rares à la scène, et Maria Egiziaca ne fait pas exception à la règle. On sait donc gré à la Fenice de Venise de lui avoir redonné sa chance, fût-ce pour cinq représentations seulement, et dans le cadre plus modeste du Teatro Malibran.

On est loin, il est vrai, de la grande forme : annoncé comme « mistero lirico », en un acte et trois tableaux, l’ouvrage, qui dure à peine plus d’une heure, se limite à un grand rôle de soprano, deux seconds rôles (un baryton et un ténor, incarnant chacun deux personnages), et une poignée de comprimari. Avec des chœurs, certes – même si leurs interventions sont brèves –, mais un orchestre réduit à une quarantaine de musiciens.

Maria Egiziaca, c’est Marie l’Égyptienne. Dans les premiers siècles de la chrétienté, cette jeune et belle prostituée d’Alexandrie aurait embarqué, en payant la traversée de ses charmes, sur un bateau de pèlerins pour Jérusalem. Là, elle aurait été touchée par la grâce et aurait passé les quarante-sept années restantes de sa vie à expier ses fautes dans le désert.

Respighi a conçu l’ouvrage comme un triptyque – au sens pictural de ces tableaux à trois volets –, destiné aux salles de concert plus qu’aux scènes lyriques, chaque épisode étant séparé du suivant par un interlude orchestral. C’est d’ailleurs sous cette forme qu’il fut créé à New York, au Carnegie Hall, le 16 mars 1932. Quant à la première scénique, elle eut lieu à Venise, déjà, en août de la même année, au Teatro Goldoni.

Nonobstant sa brièveté, Maria Egiziaca ne manque pas de diversité, allant de quelques échos grégoriens en latin à d’indéniables influences wagnériennes (l’entrée des pèlerins, au premier tableau), en passant par de véritables récitatifs secs avec clavecin, ou des moments quasi belcantistes (la grande scène de Maria, au deuxième). Comme nombre d’opéras courts, la partition laisse un sentiment d’intensité, lié à l’extrême concentration d’une action sans péripéties inutiles.

La dernière fois que Venise avait accueilli l’ouvrage, en 1956, c’était sous la forme d’un triptyque, avec Il combattimento di Tancredi e Clorinda de Monteverdi et Mavra de Stravinsky. Cette fois, Maria Egiziaca est seule à l’affiche, ce que l’on peut voir, au choix, comme une façon de ne pas alourdir les coûts de la soirée, ou comme une mise en évidence de l’œuvre.

Même s’il avoue avoir osé quelques légères mises à jour du livret, très académique, de Claudio Guastalla, Pier Luigi Pizzi opte pour une lecture assez fidèle de l’ouvrage, basée, à la fois, sur des décors épurés – un port, une felouque… – et des effets vidéo, notamment pour la mer. Fût-ce, parfois, en frisant un certain kitsch.

Forte de phrasés très fluides, d’une aisance impressionnante et d’aigus lumineux, la Maria de la soprano Francesca Dotto ne manque pas de sensualité. Mais c’est, surtout, à la danseuse qui la double pendant les interludes, qu’il revient de montrer, de façon plus insistante, les tentatives séductrices de la pécheresse, puis les affres de son expiation.

Il n’est pas sûr que Respighi et son librettiste auraient imaginé, dans leur « mystère », équipage aussi musclé et désirable que celui réuni par Pier Luigi Pizzi – même si le ténor Vincenzo Costanzo, dans le rôle du Marin, laisse transparaître un peu d’instabilité dans son impressionnante puissance vocale. Pèlerin aussi rigoureux, enfin, dans sa conduite vocale que dans sa tenue morale, au premier tableau, le baryton Simone Alberghini revient incarner l’anachorète Zosimo, au finale, cette fois avec une intonation moins irréprochable.

Dans la fosse, Manlio Benzi dirige avec soin et compétence. Il se met sincèrement au service de la partition, mais on aurait préféré moins de sagesse et plus de démesure, notamment dans les interludes.

NICOLAS BLANMONT

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