Née à Varsovie, le 26 avril 1952, la contralto polonaise s’y est éteinte, le 19 janvier 2024.
Formée dans sa ville natale, Ewa Podles y fait ses débuts, en 1975, en Dorabella (Cosi fan tutte), puis Rosina (Il barbiere di Siviglia). Sa victoire dans plusieurs concours internationaux (Moscou, Genève, Athènes…) lui ouvre les portes d’une carrière, qui la verra servir aussi bien le bel canto de Haendel et Rossini que les grands contraltos de Gluck, Saint-Saëns, Verdi, Ponchielli, Puccini, Tchaïkovski, Wagner, Richard Strauss et Mahler.
Une carrière singulière, comme en témoigne sa présence sur les grandes scènes internationales : débuts au Metropolitan Opera de New York, en Rinaldo, en 1984, puis retour en Cieca (La Gioconda), en 2008, après vingt-quatre années d’absence (!) ; premiers pas au Festival d’Aix-en-Provence, en 1984, en Rosina, qui restent sans lendemain ; débuts au Covent Garden de Londres, en 1990, en Hedwige (Guillaume Tell), avant une longue éclipse, qui s’achève en 2011, avec Madame de la Haltière (Cendrillon de Massenet) ; entrée à l’Opéra National de Paris, en 1991, en Dalila (Samson et Dalila), puis plus rien (!)… Sans oublier les choix du « Rossini Opera Festival » de Pesaro qui, après une première invitation, pour le moins tardive, en 2001 (outre un récital, Giunone dans la cantate Le nozze di Teti e di Peleo), puis un concert, en 2009, attend 2012 pour lui offrir ses débuts scéniques in loco (Ciro dans Ciro in Babilonia).
La voix, il est vrai, a quelque chose d’étrange, voire de dérangeant pour certains. D’une authentique couleur de contralto et d’une étendue phénoménale (extrême grave spectaculairement profond, aigu triomphant), elle se double d’une virtuosité étourdissante et d’une personnalité artistique démonstrative, pour ne pas dire débordante, à laquelle on adhère… ou pas. À titre personnel, j’ai autant aimé Ewa Podles dans Rossini et Haendel (inoubliable Rinaldo, au Théâtre du Châtelet, en 1985) que dans Tchaïkovski (une impressionnante Comtesse dans La Dame de pique, à Barcelone, en 2010) ou Massenet (une Madame de la Haltière irrésistible de vis -comica, à l’Opéra-Comique, en 2011). Et je regrette de n’avoir entendu, ni son Erda dans Der Ring des Nibelungen (Seattle, 2005), ni sa Klytämnestra dans Elektra (Toronto, 2007).
La discographie d’Ewa Podles est assez abondante. En CD, on écoutera la virtuose d’exception, en Tancredi, sous la baguette d’Alberto Zedda (Naxos), en Polinesso d’Ariodante, avec Marc Minkowski au pupitre (Archiv Produktion/Deutsche Grammophon), et dans le programme Rossini : Arias for Mezzo-Soprano, sous la direction musicale de Pier Giorgio Morandi (Naxos). Sans négliger, surtout, les récitals de mélodies, en studio ou sur le vif, comme l’album Chopin : Les 19 Mélodies opus 74, avec Abdel Rahman El Bacha au piano (Forlane). La cantatrice, en effet, y démontre une étonnante capacité à plier ses imposants moyens aux exigences de la petite forme.
En DVD, le Ciro in Babilonia de Pesaro (Opus Arte) est indispensable pour comprendre le « phénomène » Podles, à l’instar de la Cendrillon de Londres (Virgin Classics/Erato) et de La Dame de pique de Barcelone (Opus Arte).
RICHARD MARTET