Entretien du mois Hervé Niquet
Entretien du mois

Hervé Niquet

26/02/2024
© Henri Buffetaut

Il est, sans conteste, l’un des plus ardents défenseurs de l’art lyrique français. Une oreille dévouée, en compagnie de son ensemble, Le Concert Spirituel, à la redécouverte des raretés du répertoire baroque – mais non moins attachée, toujours sous l’égide du CMBV, à ses plus grands chefs-d’œuvre, tels que Médée de Charpentier, dont l’enregistrement, deuxième volet d’une « tétralogie baroque » entreprise chez Alpha Classics, a été couronné, le mois dernier, d’un Diamant d’Opéra Magazine. L’autre, toujours à l’affût des pépites oubliées de l’opéra romantique, avec l’indispensable concours du Palazzetto Bru Zane. Ainsi du Tribut de Zamora de Gounod, dont la recréation scénique, les 3 et 5 mai prochain, à l’Opéra de Saint-Étienne, revient de droit, après qu’il l’a ressuscité en concert, puis au disque, à cet amoureux du verbe et du chant.

La grande aventure de la musique a commencé, pour vous, par la danse…

Issu d’une famille d’agriculteurs, je n’avais aucune prédisposition pour la musique. Un jour, mon père trouve, dans une ferme voisine, un vieux piano déglingué et le rapporte à la maison, dans une bétaillère. Le voilà, disant à ma mère : « Nicole, mets le petit à la musique ! » Elle m’a confié à un professeur, qui pratiquait la Méthode Rose, puis mon père a eu la bonne idée de m’acheter une grande quantité de partitions de Mozart et Beethoven, réduites à deux ou quatre mains. Je lisais vite… Cela m’a permis de prendre des leçons auprès de Marie-Cécile Morin, qui avait été l’élève de Marguerite Long et Maurice Ravel – j’ai, ainsi, travaillé avec des partitions annotées de la main de ce dernier ! Mais on m’a toujours refusé l’entrée du Conservatoire, que ce soit en classe de clavecin, de chant, d’écriture, de danse, etc. Parce qu’il y avait de meilleurs candidats que moi, tout simplement ! J’ai, malgré tout, eu la chance d’être doublure d’un des boys de Zizi Jeanmaire, au Casino de Paris, épisode qui m’a ouvert le monde du cabaret. Ces artistes n’ont peur de rien : ils ont une telle rigueur, une telle exigence. Cette expérience m’a tout appris, en fin de compte ! Et puis, grâce à Noëlla Pontois, j’ai accompagné, au piano, les cours de danse de l’Opéra de Paris. Les vieux maîtres de ballet, tels que Sacha (Alexandre) Kalioujny, avaient connu Pablo Picasso, Francis Poulenc, Léon Bakst, toute la bande des Ballets russes. J’ai, également, pu rencontrer Madeleine Milhaud, Yvette Chauviré, Serge Lifar et bien d’autres, avec lequels je me suis retrouvé dans un livre d’histoire vivante, qui m’a donné le goût de la recherche. J’allais, dès que je pouvais, à la Bibliothèque Nationale, rue de Richelieu, ou à celle du Palais Garnier, dans la rotonde de ­l’Empereur. J’assistais, par ailleurs, aux cours que donnait William Christie au Conservatoire, alors installé rue de Madrid – et qui avaient lieu, faute de mieux, dans les couloirs, ou dans les vestiaires.


Dans King Arthur à Montpellier (2008). © Marc Ginot

Votre situation, à l’Opéra de Paris, était assez confortable…

Un peu trop, et je n’y faisais pas vraiment de musique ! J’ai alors pris une année sabbatique, et je ne suis jamais revenu. C’est l’époque où William Christie faisait des auditions pour les chœurs d’Atys… J’ai été pris, j’ai intégré son ensemble Les Arts Florissants, puis La Chapelle Royale de Philippe Herreweghe, ce qui m’a permis de rencontrer le meilleur du baroque, chanteurs et instrumentistes : Véronique Gens, Jean-Paul Fouchécourt, Christophe Rousset, Hugo Reyne…

Comment l’envie de diriger vous est-elle venue ?

J’ai vu des chefs ignorants de ce qu’est le chant, et j’ai adopté la démarche inverse. Pour ce faire, j’ai appris sérieusement à chanter, tout en me faisant une promesse : une fois que j’aurais interprété les solos de baryton dans les Requiem de Mozart et de Fauré, j’arrêterais. Promesse que j’ai tenue ! Un jour, j’ai été scandalisé par un chef étranger qui, se trouvant face à des partitions de Jean Gilles et de Rameau, se demandait : « Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire de ça ? » La colère m’est montée au nez, et je me suis juré que ces compositeurs seraient présents dans le premier disque que j’aurais l’occasion d’enregistrer, dès que je trouverais l’argent.

Un opéra, c’est une pièce de théâtre, avec quelques accords en dessous. Hervé Niquet

Comment avez-vous enregistré ce disque ?

J’avais donné la vie à un embryon du Concert Spirituel, sous le nom « Les Arts baroques ». Je rencontre alors le docteur Jean Bru, avec son épouse Nicole. Après m’avoir fait parler sur l’avenir de mon ensemble, il m’offre un chèque, afin d’enregistrer un disque ! Le montant correspondait exactement au coût de la production. C’est ainsi que j’ai fondé Le Concert Spirituel, pour graver les Lamentations de Jérémie de Gilles, chez Adda. Ont suivi deux autres albums, consacrés à ce même compositeur, puis trois enregistrements des Motets de Campra. Quand Jean Bru est mort, sa femme Nicole, docteur elle aussi, a pris la suite. Elle est devenue la principale mécène du Concert Spirituel.

C’est, aussi, Nicole Bru qui, bien des années plus tard, a fondé, sur votre idée, le Centre de musique romantique française…

Elle avait acheté un palazzetto, à Venise, et souhaitait faire quelque chose en mémoire de son défunt mari, qui adorait cette ville. C’est l’époque où François Pinault ouvrait sa fondation, au Palazzo Grassi. Or, je m’étais rendu compte que rien n’existait pour faire vivre le répertoire français du XIXe siècle. Les éditeurs historiques (Choudens, Durand) étaient rachetés par des Américains, qui se contentaient d’exploiter le fonds ; les chercheurs étaient nombreux, mais dispersés. Ceux qui possédaient des archives hésitaient à les remettre à la BNF, car il fallait attendre vingt ans pour tout classifier. Un lieu où l’on traiterait les archives, serait donc bienvenu. C’est ainsi qu’est né le Palazzetto Bru Zane qui, depuis lors, a fait ses preuves. De même qu’il faudrait remettre une médaille à William Christie, qui a sauvé la musique baroque française, de même Nicole Bru devrait être décorée pour avoir sauvé la musique française du XIXe.


À la tête du Concert Spirituel, dans Iphigénie en Tauride de Desmarest & Campra, au Théâtre des Champs-Élysées (2024). 
© Théâtre des Champs-Élysées/Cyprien Tollet

Quel était votre objectif, en 1987, en créant Le Concert Spirituel ?

Le nom de l’ensemble parle de lui-même : je voulais, d’abord, défendre la musique française sacrée, pour la venger du chef dont je vous ai déjà parlé. J’ai pu m’appuyer, pour commencer, sur les travaux du musicologue Constant Pierre, qui a publié, en 1899, une Histoire du Concert Spirituel, l’organisme qu’avait fondé Anne Danican Philidor, en 1725. On y trouve des détails sur le millier de concerts donnés à l’époque, les programmes, les effectifs, les fiches de paie, etc. Philidor disposait d’un privilège, à condition de ne pas concurrencer l’Académie Royale de Musique, donc de ne faire que de la musique sacrée. L’année où j’ai fondé mon ensemble, le Centre de Musique Baroque de Versailles (CMBV) venait d’ouvrir, ce qui tombait bien. Le grand motet français, c’est comme l’opéra, avec orages, tempêtes et cieux qui s’ouvrent, mais sans qu’on soit tourmenté par les caprices d’un metteur en scène ou d’un chorégraphe : il faut un grand et un petit orchestre, un chœur fourni, une tripotée de solistes. C’est ainsi qu’on a enregistré les Motets de Marc-Antoine Charpentier, Louis-Nicolas Le Prince, Lully, Desmarest, Rameau, et bien d’autres. Au Canada ou au Japon, on m’en parle encore !

La musique française existe-t-elle en tant que telle ?

La première question que se pose un étranger, lorsqu’il arrive en France, est la suivante : «Est-ce qu’il y a des grèves ? » Notre pays est ainsi fait, les choses fonctionnent, même si, a priori, elles sont moins organisées qu’en Allemagne, par exemple. « Rigueur sur le fond, fantaisie sur la forme », disait Poulenc ; « De l’effort ne transpire que la beauté », ajoutait Lifar. C’est ainsi qu’on peut caractériser l’esprit français, de Rameau jusqu’aux impressionnistes. Le goût pour la langue, le fait de dire les choses sans les dire, la fantaisie, font partie de ses constantes. La fixation des canons, sous Louis XIV, va perdurer jusqu’à la Révolution. Pour autant, chaque compositeur a sa propre couleur : quand vous écoutez trois mesures de Rameau, de Berlioz ou de Michel Legrand, vous êtes capable d’identifier qui les a écrites.

Vous avez, ensuite, élargi votre horizon à l’opéra, jusqu’à dépasser les rives de la musique dite « baroque », en abordant certains compositeurs du XIXe siècle…

Comme j’ai très souvent travaillé avec des danseurs, qu’il y a beaucoup de ballets dans les opéras, et que j’ai appris à traiter la prosodie avec les motets, où les textes sont parfois violents, et où il faut respecter, à la fois, la dramaturgie et l’architecture, diriger un opéra s’est révélé techniquement facile ! Un opéra, c’est une pièce de théâtre, avec quelques accords en dessous. Il faut, d’abord, soigner la crédibilité : si on trouve la pulsation, tout se déroule, l’action avance d’elle-même. Cela dit, j’ai plus pratiqué le répertoire français que l’allemand ou l’italien, jusqu’à Ô mon bel inconnu de Reynaldo Hahn, sur un livret de Sacha Guitry, que je viens de diriger, à Munich (1). J’ai enregistré un très grand nombre de disques de musique française, en compagnie du Palazzetto Bru Zane. Mais je me suis, aussi, permis quelques escapades ailleurs, comme avec l’album Water Music & Fireworks, chez Glossa, pour lequel j’ai tenu à réunir les effectifs exacts voulus par Haendel. À l’heure où je vous parle, je m’apprête à diriger Norma, la saison prochaine, à Toulouse, avec Karine Deshayes dans le rôle-titre : ce sera un travail important, que je prépare depuis deux ans. J’ai relu les traités de violon, la manière de faire un son filé, etc.


Durant l’enregistrement de L’Opéra des Opéras (Alpha Classics), avec Karine Deshayes (2017). © Le Concert Spirituel

Comment allez-vous aborder Norma ?

En janvier 2023, à Toulouse déjà, j’ai dirigé Le nozze di Figaro. D’abord, j’ai fait monter la fosse, puis j’ai mis tous les vents derrière moi. Au départ, les musiciens de l’Orchestre National du Capitole n’y croyaient pas, mais ils ont compris qu’ils allaient faire de la musique en direct avec les solistes, et tout le monde a été galvanisé. La deuxième flûte m’a avoué : « En vingt ans de maison, c’est la première fois que je vois un opéra ! » Pour Norma, je pense donc bénéficier d’un capital de sympathie avec l’Orchestre, mais aussi avec le Chœur de l’Opéra National du Capitole.

Parmi vos projets plus immédiats figure une production scénique du Tribut de Zamora, à l’Opéra de Saint-Étienne. Une partition que vous avez enregistrée, en 2018, avec le Palazzetto Bru Zane…

C’est le dernier ouvrage lyrique de Gounod, et un chef-d’œuvre absolu ! Il faut être admiratif du risque pris par l’Opéra de Saint-Étienne. Alors que l’on devrait entendre des ouvrages comme celui-là, Lancelot de Victorin Joncières, que j’y ai dirigé, en mai 2022, ou les Massenet oubliés, dans les plus grandes salles d’Europe, cette maison met en scène des raretés, qui font traverser toute la France aux lyricophiles les plus gourmands. Je suis le plus heureux des hommes, à passer cinq semaines dans les monts d’Auvergne, pour défendre un bout du patrimoine français inconnu.

En 2022, vous avez mis en train, lors des célébrations du 35e anniversaire du Concert Spirituel, une « tétralogie baroque » : quatre opéras donnés en concert, au Théâtre des Champs-Élysées, et enregistrés dans la foulée, chez Alpha Classics…

On a commencé avec Ariane et Bacchus (1696) de Marin Marais, puis enchaîné avec Médée de Charpentier (1693). Cette année, place à Iphigénie en Tauride (1704)de Desmarest & Campra ! Condamné par contumace à la pendaison, le premier a dû quitter la France, accusé de séduction et rapt. Il a composé les actes I, II et III, et esquissé les autres, que Campra a terminés. Ce dernier a, également, écrit le Prologue et l’Ouverture. Nous terminerons, en 2025, avec Persée de Lully, dans la version originale de 1682, alors que j’avais choisi, dans mon enregistrement de 2016, déjà chez Alpha Classics, la mouture révisée par Dauvergne, Rebel et Bury, en 1770.

En quoi Médée se distingue-t-elle des « tragédies lyriques » de Lully ?

Charpentier y décrit la société parisienne, où la seule personne respectable et aimable, Médée, est celle que l’on devrait détester. Roi, princesse, héros et militaire, tous sont veules, menteurs, retors, pleutres. Il est clair que le choc a été rude pour un public venu s’admirer, et se découvrant abject ! Charpentier savait que cette « photographie » de ses contemporains aristocrates lui porterait préjudice et mettrait un terme rapide à l’exploitation de sa Médée. Telle est la différence entre les « ­tragédies lyriques » de Lully et l’ouvrage de Charpentier : le courage.


© Théâtre des Champs-Élysées/Cyprien Tollet 

Comment l’interprétation de la musique baroque a-t-elle évolué depuis un demi-siècle ?

Après l’époque des pionniers, puis la reconnaissance dont ont bénéficié les interprètes qu’on appelle toujours, familièrement, les « baroqueux », certains se sont un peu assoupis, car tout le monde estimait que c’était acquis. La musique baroque est devenue grisâtre ; elle s’était trop installée ! Or, on a laissé au bord de la route des choses terriblement importantes. On n’a pas lu jusqu’au bout, par exemple, ce que le musicologue Graham Sadler avait écrit, il y a trente ans. Outre la disposition des interprètes et les effectifs, l’organisation des répétitions nous donne des solutions sur les méthodes à employer. Prenons, par exemple, la question de la basse continue : un groupe de continuo, constitué d’un clavecin, de deux théorbes, deux basses d’archet, deux violes de gambe et deux violons, ne doit pas jouer dans les tutti d’orchestre. Dans les récitatifs, le chanteur sent qu’il y a une force au-dessous de lui, omniprésente, et les instrumentistes vont eux-mêmes colorer leur propos, individuellement.

Vous allez assurer, cet été, pour la deuxième et dernière année, la direction artistique du Festival de Saintes…

Il s’agit, depuis 1972, du lieu où quasiment tous les artistes passionnés de baroque, de recherche sur les répertoires anciens et d’instruments historiques, sont passés jouer, un jour ou l’autre. Lorsque David Théodoridès, le directeur général de l’Abbaye aux Dames, m’a proposé de faire la programmation, en 2023 et 2024, j’ai accepté immédiatement. J’ai appelé tous nos « papes », William Christie, Jordi Savall, Ton Koopman, Sigiswald Kuijken et Philippe Herreweghe, car j’estime que sans eux, rien n’aurait existé ! Mais surtout, j’ai voulu réinsuffler un esprit estival, à la fois joyeux et bon enfant, pour donner envie à tous de venir passer une belle semaine avec nous.

Que ferez-vous, une fois votre « tétralogie baroque » bouclée ?

Nous allons reprendre la Messe à 40 voix ­d’Alessandro Striggio (avec un Agnus Dei à 60 voix) : un programme que nous avions donné en concert, au Festival de La Chaise-Dieu, en 2011, pour les 25 ans du Concert Spirituel, avant de l’enregistrer, chez Glossa. C’est ce qu’il y a de plus grand dans la littérature musicale occidentale : aucune doublure, seulement des parties réelles, avec un continuo instrumental. J’avais, à l’époque, entendu plus de deux cent soixante choristes, pour n’en garder que soixante ! Pour le projet de 2025, j’ai recommencé à organiser des auditions. Cette Messe, nous la ferons tourner un peu partout.


Dans King Arthur à Versailles (2016). ©  Le Concert Spirituel 

Et pour 2027 ?

Vous voulez parler des 70 ans d’Hervé Niquet ?

Et des 40 ans du Concert Spirituel, ainsi que du CMBV !

Je suis en train d’imaginer un programme de la Renaissance, tel qu’il a pu avoir lieu dans les Flandres ou en Italie, entre 1570 et 1610, avec quarante instrumentistes et quarante chanteurs. On va faire construire des percussions présentes sur l’iconographie, des tambours de Bâle, par exemple : il y en a un dans un musée, un facteur va en fabriquer six. Il me faut trouver un alibi, pour réunir musiques sacrées et musiques de danse. Ce sera un assemblage de différents compositeurs, sauf pour la musique sacrée : elle sera due à une seule plume, celle du maître de chapelle.

Aimez-vous enseigner ?

J’ai été directeur du Département de Musique Ancienne (DMA), au Conservatoire de Toulouse, autrefois, mais enseigner régulièrement me déprime, car on forme quelqu’un qui s’en va. C’est un peu ce qu’on vit, d’ailleurs, avec nos productions. Beaucoup d’énergie est investie, pendant des semaines, voire des mois, et, soudain, tout s’arrête ! En revanche, ce que je fais avec plaisir, ce sont des master classes sur la direction.

Et la musique contemporaine ?

J’ai toujours eu du goût pour la composition. À Abbeville, dans ma Picardie natale, je jouais de l’orgue, et je dirigeais la chorale. Bien m’en a pris : la musique pratiquée dans les églises était tellement lamentable, que j’ai commencé à écrire pour mon petit chœur et pour d’autres ensembles. Un jour, à Monaco, alors que Pierre Lacotte, que j’avais connu à l’Opéra de Paris, venait de prendre, avec Ghislaine Thesmar, la direction des Ballets de Monte-Carlo, la princesse Caroline a eu l’idée de choisir la nouvelle de Stefan Zweig, Vingt-quatre heures de la vie d’une femme, comme argument d’un ballet. Or, il fallait de la musique, et Pierre m’a chargé de la composer. J’ai dû l’achever en deux mois. Comme j’avais travaillé, non seulement avec les danseurs, mais aussi avec Seiji Ozawa, à l’occasion des répétitions de Saint François d’Assise d’Olivier Messiaen, j’avais tout d’une « petite main », capable de tout faire ! La musique contemporaine m’a beaucoup occupé, jusqu’à mes 30 ans : outre Messiaen, j’ai dirigé Henri Dutilleux, Klaus Huber… Mais 90 % des compositeurs d’aujourd’hui n’entendent pas ce qu’ils ont écrit, et n’ont, par ailleurs, aucun souci du public. Quand le répertoire baroque a commencé d’être redécouvert, dans les années 1970, on sentait qu’il y avait là, au contraire, un humanisme, un souci d’harmonie, et c’est pourquoi ce mouvement a pris tout de suite. Pour moi, la musique n’a jamais été qu’un alibi pour rencontrer des gens.

Propos recueillis par CHRISTIAN WASSELIN

(1) L’entretien a été réalisé le 11 décembre 2023.

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