Opéras Giulio Cesare sans étincelle à Paris
Opéras

Giulio Cesare sans étincelle à Paris

05/02/2024
Lisette Oropesa (Cleopatra). © Vincent Pontet

Palais Garnier, 30 janvier

Giulio Cesare, au Palais Garnier : salle comble assurée – malgré quelques défections à l’un et l’autre entracte d’une représentation excédant les quatre heures. L’Opéra National de Paris, qui a besoin de renflouer ses caisses, après plusieurs années noires à cet égard, a donc fait l’économie d’un ensemble spécialisé – ce qui, heureusement, ne sera pas le cas, dans la Médée de Charpentier, confiée aux Arts Florissants, à partir du 10 avril prochain.

L’orchestre maison, ramené, pour l’occasion, à un effectif ad hoc, n’avait plus joué cette partition, ni aucun autre opéra de Haendel, depuis plus d’un quart de siècle. Il ne faut, certes, pas compter sur Harry Bicket, chef censément garant d’une pratique « historiquement informée », mais déjà coupable, la saison dernière – et bien qu’à la tête, alors, des instruments d’époque de The English Concert –, d’avoir mis Ariodante sous tranquillisant (voir O. M. n° 193 p. 65 de mai 2023), pour le   bousculer.

Cette battue aux tempi désespérément modérés, sans nerf, ni variété, dépourvue de vie, en somme, condamne la rhétorique du bel canto baroque à une monotonie plus ou moins décorative, selon les aptitudes vocales et stylistiques des différents gosiers à disposition – en l’occurrence, une distribution d’une routine luxueuse, sur le papier, mais, dans les faits, assez standard.

Si Nireno est bel et bien, ici, un rôle de caractère – puisque façonné, à l’origine de cette production, pour le talent singulier de Dominique Visse –, Rémy Brès-Feuillet a trop tendance à oublier que la justesse n’est pas accessoire. Et toute la pugnacité, la hargne, aussi, dont fait preuve l’Achilla de Luca Pisaroni ne peuvent masquer que le registre supérieur du baryton-basse italien est, désormais, en ruine.

Vrai contralto – ce qui est assez rare pour être souligné –, Wiebke Lehmkuhl n’évite à Cornelia ni une certaine monochromie, ni un manque de souplesse, compromettant toutes ses tentatives d’alléger le phrasé. Quant au contre-ténor d’oratorio d’Iestyn Davies, il n’a absolument rien pour Tolomeo – et encore moins comparé aux souvenirs laissés, ici et ailleurs, par le virevoltant Christophe Dumaux.

D’abord annoncée dans la cuirasse du héros éponyme, mais finalement substituée à Marianne Crebassa, en Sesto, après son retrait de cette reprise, Emily D’Angelo ne renouvelle pas, loin s’en faut, le miracle de son Ariodante du printemps dernier. La mezzo canadienne, curieusement peu à l’aise dans cette écriture, où la pulpe de son instrument, promis, sans doute, à de plus larges conquêtes, peine à s’épanouir, n’a, en effet, qu’une seule expression : hagarde.

C’est à Gaëlle Arquez qu’échoit Giulio Cesare, rôle abordé au Théâtre des Champs-Élysées, en mai 2022 (voir O. M. n° 184 p. 55 de juillet-août). La mezzo française le chante admirablement, d’autant qu’elle a, depuis, gagné en liberté – question de diapason, plus haut d’un demi-ton ? Mais la couleur reste trop claire, et la vocalise trop fluide, quand elle devrait claquer avec une ardeur martiale, pour convaincre qu’elle a l’envergure du personnage.

Les rares étincelles de la soirée sont, dès lors, prodiguées par Lisette Oropesa, à laquelle cette Cleopatra faussement dénudée va comme un gant. Bien plus que le suraigu, parfois incertain, le trille fuse, inépuisable, d’une ligne cependant inégale, y compris sur le plan de l’intonation, et ornée avec un goût plus fin XIX que XVIIIe siècle. Surtout, les lamenti manquent de chair, aussi senties que soient les inflexions de la soprano américaine.

Pas de quoi consoler, donc, de ce mélange, décidément plus ennuyeux que divertissant, entre la série de films La Nuit au musée (Night at the Museum) et Astérix et Cléopâtre, dont la mémoire, sélective, n’avait retenu que l’idée générale, depuis sa précédente, et lointaine, réapparition, en mai 2013 (voir O. M. n° 86 p. 62 de juillet-août) – un peu plus de deux ans après sa création, avec la reine d’Égypte de Natalie Dessay, aux mesures de laquelle Laurent Pelly avait taillé sa mise en scène. 

Et dire que ce spectacle, qu’il serait bon de remiser définitivement aux oubliettes, avait, alors, fait – présence de la soprano française oblige – l’objet d’une captation, parue en DVD (Virgin Classics/Erato)…

MEHDI MAHDAVI

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