Opéra Bastille, 21 janvier
Encore une production, conçue à l’origine pour le Palais Garnier, qui se retrouve, sans explication, sur le plateau de l’Opéra Bastille, où elle aurait, d’ailleurs, déjà dû être reprise, en novembre-décembre 2020, si le Covid ne s’en était mêlé. À cette délocalisation s’ajoutent, également, quelques petites modifications apportées au spectacle, mis en scène par l’Australien Simon Stone et créé en septembre 2019 (voir O. M. n° 155 p. 51 de novembre).
Si le point de départ de cette « Traviata 3.0 », hyper connectée à sa communauté de followers, reste identique, son exil campagnard, loin de la capitale, symbole de toutes les perversions, a quelque peu évolué. Violetta n’a, en effet, plus à traire une vache aux allures de publicité Milka, mais seulement à vérifier les boulons de la roue de son tracteur…
Nadine Sierra ne semble à aucun moment – et c’est une chance – souffrir des situations ridicules dans lesquelles se retrouve son personnage, et réussit à s’extraire, avec légèreté, de ce concept désolant.
Malgré la direction bien trop lente du chef italien Giacomo Sagripanti, qui étire inutilement le flux mélodique et retient l’action, la soprano américaine réalise un électrisant exploit vocal. L’onctuosité de ce timbre opulent, caressant, ductile sur toute l’étendue du registre, procure un plaisir infini, parachevé par une diction parfaite et une élégance naturelle qui font, incontestablement, de cette étoile montante, la meilleure titulaire actuelle.
Style impeccable et phrasé délicatement festonné, l’Alfredo du ténor américain René Barbera rayonne auprès de cette Violetta à la présence écrasante, notamment dans un magnifique « Parigi, o cara », chanté sur un fil de voix.
Rescapé de la distribution initiale, Ludovic Tézier, notre trésor national, éblouit, une fois encore, dans le rôle de Germont père. Il l’incarne en patriarche convaincu, qu’il sait, aussi, teinter de compassion et d’humanité, particulièrement au cours de son extraordinaire face-à-face avec Violetta, véritable climax de la représentation.
Chœurs, soumis aux fluctuations injustifiées du chef, et comprimari, emmenés par la Flora de la mezzo-soprano française Marine Chagnon et le Douphol du baryton-basse espagnol Alejandro Baliñas Vieites, assurent à cette Traviata, jouée à guichets fermés, de faire le buzz sur les réseaux sociaux, auxquels elle est, également, destinée.
FRANÇOIS LESUEUR