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Un Rosenkavalier au goût d’inachevé à Genève

22/12/2023
Matthew Rose (Der Baron Ochs) et Michèle Losier (Octavian). © Magali Dougados

Grand Théâtre, 13 décembre

Comme un soupçon de mésentente ? Aux saluts, Christoph Waltz et son équipe font une brève apparition côté jardin, sans se joindre au reste de la troupe, comme il est de coutume. Peut-être faut-il y voir le reflet d’une production toujours aussi séduisante, dans le classicisme épuré de ses décors, fluide par la clarté des situations, lorsque le plateau pourrait être illisible et encombré, simple dans sa manière de se contenter de créer l’écrin propice à la « comédie en musique » de Richard Strauss et Hugo von Hofmannsthal.

La reprise de ce spectacle, salué lors de sa création, à l’Opera Vlaanderen, voici tout juste dix ans (voir O. M. n° 92 p. 45 de février 2014), montre, pourtant, les protagonistes parfois hésitants, voire engoncés, et pas toujours accordés.

Les errements du cœur sont, cependant, bien présents, notamment grâce à l’Octavian de Michèle Losier, voix chaleureuse et ample, aux aigus ciselés. Un léger vibrato entache parfois l’émission, mais l’ardeur du propos fait taire ces timides réserves.

Souvent statique – ce qui lui confère une certaine raideur –, Maria Bengtsson est une Maréchale plus hautaine que digne, dont le chant, irréprochable, mais manquant quelque peu d’émotion, peine à habiter le rôle, qu’elle incarnait déjà, à Anvers. On ne sait que retenir, des aigus piano, qui disent la lassitude et la lucidité amoureuse, ou d’un « Ja, ja ! » final, presque neutre.

Bien que Faninal s’agite beaucoup, sans vraiment trouver le ton juste de l’emportement ou de l’obséquiosité, et que Sophie paraisse plus empruntée que timide, l’on notera deux prises de rôles réussies : celles de Bo Skovhus, solide, vindicatif, et de Mélissa Petit, délicate, aux aigus limpides.

Enfin, Matthew Rose campe Ochs avec délectation. Tour à tour bonhomme, faraud, canaille, naïf, imbu de sa personne, les différentes facettes du Baron lui sont une évidence. Élégamment projetée, la voix s’orne de couleurs sombres, même si elle manque parfois de longueur.

Sous la baguette de Jonathan Nott, l’Orchestre de la Suisse Romande sert la partition avec brio, soulignant les nuances, évitant les excès sonores, savourant les ruptures rythmiques. La soirée laisse, pourtant, un léger goût d’inachevé.

JEAN-MARC PROUST

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