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Hécube dans l’entrelacs de l’italien et du croate à Tourcoing

08/12/2023
© Matko Petric

Auditorium du Conservatoire, 17 novembre

Spécialiste de l’époque médiévale, la musicologue et chanteuse franco-croate Katarina Livljanic a fondé, en 1997, l’ensemble Dialogos, afin de faire revivre ce répertoire, aussi rare en concert qu’au disque. Et jusqu’à lui donner une représentation visuelle. Cette démarche originale a plusieurs fois porté ses fruits, notamment avec La Vision de Tondal, Judith, qui a, en outre, fait l’objet d’une captation (DVD Alpha Classics), ou encore Les Anges hérétiques.

De nouveau associée à la metteuse en scène Sanda Herzic, Katarina Livljanic a conçu un spectacle à partir d’Hécube, tragédie grecque d’Euripide, dont la version latine d’Érasme a connu, aussitôt, une traduction, en italien, par Ludovico Dolce… traduite à son tour, en croate, par Marin Drzic. Ce sont ces deux versions, chacune dans sa langue, qui portent ce drame fait de haine et de vengeance, où la reine de Troie ne peut contenir sa colère, face au meurtre de sa fille Polyxène et de son fils Polydore.

Entre tradition et création, la musique, « reconstituée » par Katarina Livljanic, Francisco Mañalich et Josko Caleta, nous plonge, dès le chœur masculin du Prologue, dans un drame antique : une monodie sur un bourdon vocal, où l’une des voix s’élève au-dessus des autres, plus vigoureuse, à la manière d’un chantre, et introduit le récit.

À l’instar du théâtre grec, l’acteur se confond, ici, avec le chanteur ou l’instrumentiste. Ainsi, Francisco Mañalich joue de la viole, mais interprète, également, plusieurs rôles. Le chœur Kantaduri se dédouble, lui aussi, dans les personnages des héros grecs Ulysse et Agamemnon. Aux timbres rudes de la vièle d’Albrecht Maurer répondent ceux, plus rêveurs et champêtres, des différentes flûtes de Norbert Rodenkirchen.

La mise en scène de Sanda Herzic réussit à concentrer le récit autour de la figure d’Hécube, incarnée par Katarina Livljanic, elle-même. Du fond du plateau, où la reine de Troie apparaît pour la première fois, spectatrice frappée du drame qui l’afflige, d’abord face au mur, elle investit peu à peu l’espace, entre déclamation et chant, sa voix gagnant en expressivité. « C’est l’histoire des bons qui peuvent être cruels et des méchants qui peuvent ressentir de la compassion, c’est l’histoire de l’obscurité qui se fait lumière, de la cécité qui devient vision… », résume la musicologue.

Dans le mouvement des protagonistes, leurs gestes, le coloris fauve des étoffes et le voile noir qui recouvre à point nommé le visage, le spectateur est au cœur de la tragédie, autant qu’il est à la fête dans l’affrontement et l’entrelacs des deux langues.

FRANCK MALLET

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