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Acis and Galatea en avant-goût de La Cité Bleue à Genève

29/11/2023
Julie Roset (Galatea). © François de Maleissye/Cappella Mediterranea

Bâtiment des Forces Motrices, 12 novembre

Composée vers 1718, à l’intention du duc de Chandos, mécène de Haendel, la « serenata » Acis and Galatea est une œuvre familière pour Leonardo Garcia Alarcon, qui l’a dirigée au Festival d’Aix-en-Provence, dès 2011 (voir O. M. n° 65 p. 37 de septembre). Plus récemment, le chef argentin a opté pour la réorchestration de Mozart – commandée par le baron van Swieten, en 1788, sur une traduction allemande, et consistant, surtout, en un étoffement des vents –, quoique en conservant l’anglais d’origine, dans le cadre de collaborations avec des phalanges modernes : l’Orchestre Philharmonique de Radio France, en mai 2022, puis celui du Concertgebouw d’Amsterdam, l’automne suivant.

Ce concert genevois – donné au Bâtiment des Forces Motrices – avait quelque chose d’expérimental pour une formation réunissant, au diapason 430 Hz et selon les règles du jeu « historiquement informé », des membres de l’ensemble Cappella Mediterranea et de l’Orchestre de Chambre de Genève. Un pari, et un test, en vue de la production d’Idomeneo, dans laquelle ils se retrouveront, en février, cette fois au Grand Théâtre.

Si la présence d’un archiluth s’avère, ici, anachronique, malgré les interventions inspirées de Monica Pustilnik, Leonardo Garcia Alarcon balaie ces scrupules pour habiter la musique avec l’énergie, la sensibilité et la théâtralité qu’on lui connaît. Presque tout le monde chante d’ailleurs par cœur, dans une mise en espace sobre, avec un joli jeu de lumières, suggérant différentes ambiances, bleu des amours pastorales, rouge de la passion funeste de Polyphemus.

Dans ce rôle, Staffan Liljas manque d’ampleur pour « I rage, I melt, I burn ! », et de ce grave abyssal propre à suggérer sa nature monstrueuse. Pourtant, la basse suédoise dessine, par une diction incisive et une caractérisation très fine, un Cyclope plus bonhomme, certes, qu’effrayant, mais d’une forte présence et d’un second degré réjouissant.

Auréolée de son tout récent Premier prix au Concours « Operalia », la Française Julie Roset est la plus délicieuse des Galatea, par son timbre rond et délicat, sa musicalité et son port gracieux. Sans doute la partie est-elle un rien trop centrale pour que son soprano léger s’épanouisse pleinement, mais quelle délicatesse de ligne, avec d’impeccables coloratures et de ravissants pianissimi aigus !

Couleur juvénile, voix mordante et aisée, vocalisation parfaite et souffle inépuisable dans le martial « Love sounds th’alarm », où il rivalise avec les cors, le ténor britannique Mark Milhofer sait aussi se montrer bouleversant, dans les quelques mesures de récitatif de la mort d’Acis (« Help, Galatea ! »).

Deux autres ténors complètent la distribution. Avec un instrument plus délicat, mais une belle éloquence, l’Italien Valerio Contaldo est un Damon sensible et touchant. Quant au Suisse Fabio Trümpy, il prête à Coridon son timbre assez frêle, pour un « Would you gain » un peu court en legato, mais à la reprise très joliment variée.

Ces deux artistes, rejoints par une soprano, un contre-ténor et une basse, tiennent aussi les parties du chœur qui, chantées à cinq voix solistes, prennent des allures de madrigal : énergique « Wretched lovers ! », aux polyphonies hardies, sublime déploration de « Mourn, all ye Muses ! », et lumineuse célébration de la métamorphose d’Acis en fontaine, dans « Galatea, dry thy tears ».

Magnifique conclusion, pour la saison « hors les murs », en différents lieux de Genève, de La Cité Bleue, dirigée par Leonardo Garcia Alarcon, avant sa réouverture, très attendue, le 9 mars prochain, avec une version de concert de L’Orfeo de Monteverdi.

THIERRY GUYENNE

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