Opéras Tamara Wilson subjugue en Turandot à Paris
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Tamara Wilson subjugue en Turandot à Paris

10/11/2023
Tamara Wilson (Turandot). © Agathe Poupeney/ONP

Opéra Bastille, 6 novembre

Il était temps que Tamara Wilson, nouvelle étoile américaine au firmament des sopranos dramatiques, fasse ses débuts à l’Opéra National de Paris, de préférence dans l’un de ses meilleurs rôles – Turandot est de ceux-là. Initialement prévue en deuxième distribution de cette reprise de la production de Robert Wilson, entrée au répertoire de la maison, en décembre 2021 (voir O. M. n° 179 p. 61 de février 2022), la cantatrice a finalement glissé en première, suite au forfait de Sondra Radvanovsky.

Avouons que nous avons été subjugué. D’abord, par une voix d’une santé et d’une puissance que l’on croirait inépuisables : aigu lumineux et facile (quels contre-ut !), émission homogène et souple, permettant de subtiles variations de nuances, bas médium et grave naturellement opulents et sonores. Ensuite, par une présence rayonnante, très bien mise en valeur par une mise en scène, un costume et un maquillage qui étaient déjà les siens pour sa prise de rôle, à Toronto, en 2019.

L’entourage est de grand relief, à commencer par Carlo Bosi, Altoum d’une fraîcheur vocale exceptionnelle, et un trio de ministres fusionnel, entièrement constitué de membres de la Troupe Lyrique de l’Opéra National de Paris. Pour sa troisième apparition à l’Opéra Bastille, Mika Kares renouvelle, en Timur, les splendeurs (timbre, profondeur, phrasé) de ses Ferrando (Il trovatore) et Jacopo Fiesco (Simon Boccanegra).

Liù est un emploi dans lequel Ermonela Jaho trouve matière à déployer ses divines demi-teintes, comme ses miraculeux aigus piano/pianissimo. Le résultat était, quand même, plus probant au disque (Warner Classics, avec Antonio Pappano à la baguette), la scène soulignant la totale atonie du bas du registre, de plus en plus préoccupante, au fil des ans.

Brian Jagde, enfin, n’est pas le Calaf le plus subtil et charismatique qu’il nous ait été donné de voir, d’autant qu’il trahit un évident malaise dans cette mise en scène typiquement « wilsonienne », qu’il exécute avec maladresse. Mais la voix est de qualité, sûre, d’un format adapté au lieu, et fermement projetée dans un aigu qui fait, à juste titre, chavirer la salle.

À la tête des Chœurs de l’Opéra National de Paris, parfaitement préparés par Ching-Lien Wu, et d’un Orchestre survolté, Marco Armiliato confirme ses immenses qualités de chef de répertoire. Qu’il dirige Il barbiere di Siviglia ou La Fille du régiment, La traviata ou Carmen, il trouve d’emblée le ton et le tempo adaptés à l’ouvrage et aux chanteurs. Que demander de plus pour une reprise, étalée sur treize représentations (Michele Spotti lui succèdera, à partir du 22 novembre), avec trois Turandot, deux Liù et deux Calaf différents ?

Une belle production, un bon chef, des forces maison en grande forme, une distribution excitante : cette Turandot montre l’Opéra National de Paris à son meilleur, comme on aimerait qu’il le soit toujours.

RICHARD MARTET

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