Opéras Giulietta e Romeo revivent à Versailles
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Giulietta e Romeo revivent à Versailles

01/11/2023
Franco Fagioli (Romeo) et Adèle Charvet (Giulietta). © Ian Rice

Opéra Royal, 22 octobre

Donné, alors, en version de concert, avec, déjà, le contre-ténor argentin Franco Fagioli, dans le rôle de Romeo, le chef-d’œuvre de Nicola Zingarelli avait été une révélation du Festival de Pentecôte (Pfingstfestspiele) de Salzbourg, en 2016.

Après d’autres reprises, sa programmation, à l’Opéra Royal, pour le bicentenaire de la mort de Napoléon Ier, en 2021, n’avait finalement donné lieu, pour cause de Covid, qu’à un enregistrement d’extraits, dont Michel Parouty avait salué la parution, sous le label Château de Versailles Spectacles, en souhaitant une intégrale (voir O. M. n° 176 p. 78 d’octobre 2021). C’est chose faite, avec cette nouvelle production scénique, qui nous comble largement.

Gilles Rico a choisi une transposition à l’époque de la création, à la Scala de Milan, le 30 janvier 1796, sous le Directoire, donc. Avec les ravissants costumes de Christian Lacroix, les scènes d’ensemble donnent, en effet, l’impression, très flatteuse pour l’œil, de tableaux animés de Louis-Léopold Boilly (1761-1845).

Pour autant, l’exaspération des passions suscite une tension, souvent violente, entre les personnages – avant tout, avec la virulence du père Capulet, Everardo (qui devient, dans l’œuvre de Zingarelli, une figure centrale), à l’égard de sa fille Giulietta, dont le cœur bat pour Romeo, un Montaigu. Une direction d’acteurs simple, mais efficace, donne vie et corps à des personnages bel et bien de chair et de sang.

Utilisant assez habilement les châssis et toiles peintes, les décors de Roland Fontaine comportent de bons moments, notamment pour la belle grotte romantique, au II, qui abrite les retrouvailles des amants, et surtout, au III, avec un environnement de niches funéraires, creusées dans une monumentale architecture de brique, autour du tombeau de Giulietta.

L’excellent plateau fait le reste. Si le Romeo de Franco Fagioli inquiète d’abord un peu, par ses contorsions et un masque presque grimaçant, dans le costume du Bonaparte au pont d’Arcole de Gros (1796, Château de Versailles), la suite emporte largement l’adhésion, pour culminer dans le très émouvant troisième acte, véritablement inspiré, et la scène du tombeau, sommet de l’œuvre. Là se déploie un tragédien de premier ordre, qui ne touche pas seulement par sa vocalisation virtuose et la qualité de ses phrasés.

La Giulietta d’Adèle Charvet séduit, en revanche, d’emblée par un jeu intense, à la fois mordante et touchante, dès le « Smarrita, sconsigliata » du I. Son mezzo égal et profond, chaleureusement timbré, est poignant dans ses adieux à Romeo, au II, et dans les demi-teintes de sa mort supposée, au III.

Krystian Adam donne à Everardo une puissance vindicative. Peut-être un peu trop monocorde, parfois même presque tonitruant, le ténor polonais est bien en situation dans son grandiose « Là dai regni dell’ombre », à l’instar du vigoureux Teobaldo de Valentino Buzza, lui aussi ténor.

Les deux confidents ajoutent, encore, à notre satisfaction : le soprano léger de Florie Valiquette, avec sa belle égalité sur tout le registre, convient idéalement à Matilde, de même que le timbre lumineux et le très beau legato du contre-ténor Nicolo Balducci, à Gilberto.

Le disque permettait, déjà, d’apprécier la direction, à la fois précise et énergique, de Stefan Plewniak, à la tête des excellents Chœur et Orchestre de l’Opéra Royal – le second ayant à affronter des parties difficiles, notamment pour les bassons, qui passent l’épreuve avec honneur, malgré de petits dérapages.

« L’opéra de Napoléon », généralement considéré comme le plus intéressant de la trentaine d’ouvrages lyriques de Zingarelli, méritait, assurément, de revivre une nouvelle fois.

FRANÇOIS LEHEL

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