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Joyce DiDonato en humaniste engagée à New York

10/10/2023
Ryan McKinny (Joseph De Rocher) et Joyce DiDonato (Sister Helen Prejean). © Met Opera/Karen Almond

Metropolitan Opera, 3 octobre

Destinée à marquer les débuts d’Ivo van Hove, au Metropolitan Opera de New York, cette production, reportée à cause du Covid, aura été précédée, ce printemps, de sa mise en scène, forte, mais rarement « giocosa », de Don Giovanni, créée à l’Opéra National de Paris, en 2019. L’entrée au répertoire de Dead Man Walking, donné en ouverture de cette saison à l’orientation contemporaine, a également été un succès, bien que sûrement dû, en partie, aux trois chanteurs principaux – Joyce DiDonato, Ryan McKinny et Susan Graham –, qui avaient déjà interprété, ailleurs, leurs rôles respectifs, et possèdent à la fois l’envergure psychologique de ces personnages complexes, et le talent scénique pour les incarner.

Le Met n’en avait, peut-être, pas moins sous-estimé le nombre de spectateurs potentiels ayant déjà vu l’opéra de Jake Heggie (né en 1961), très fréquemment monté aux États-Unis depuis sa création (San Francisco, 2000) – y compris au New York City Opera, deux ans plus tard, avec, déjà, Joyce DiDonato en Sister Helen. Car, en dépit de critiques généralement favorables et du bouche-à-oreille, de nombreuses places étaient encore disponibles, à travers des offres à tarif réduit.

L’équipe habituelle d’Ivo van Hove est parvenue à des effets saisissants, dans un réalisme stylisé – ainsi du décor de la prison, davantage évoqué par l’espace et les lumières superbement calibrées de Jan Versweyveld, que par des éléments scénographiques, tels que des barreaux ou des cages. Comme dans certaines des réalisations, souvent spectaculaires, du metteur en scène belge, la vidéo a pu se révéler trop insistante et intrusive. Mais, filmée pour la retransmission en HD, elle fournira, sans doute, des gros plans efficaces.

Dans cette partition savamment éclectique, mais plutôt conventionnelle – au contraire de celle, plus ambitieuse et sophistiquée, de Moby-Dick (Dallas, 2010) –, où Jake Heggie s’inspire, de façon évidente, de Dialogues des Carmélites et Billy Budd, Yannick Nézet-Séguin atteint clarté et fluidité, ne permettant qu’occasionnellement à l’orchestre de devenir trop tapageur.

Si Dead Man Walking tient, musicalement, d’une agréable variante du « vieux vin dans des bouteilles neuves », l’ouvrage, tiré, par le compositeur et son librettiste, feu Terrence McNally, du saisissant livre éponyme d’Helen Prejean (1993), et du film profond de Tim Robbins (1995), offre des personnages riches, à même d’attiser le drame.

Le registre supérieur de Joyce DiDonato n’a plus la liberté d’il y a deux décennies, dans les passages les plus hauts, mais elle tourne chaque instant de la partition et du texte à son avantage, en canalisant le courage et la bonté d’une humaniste engagée. Son contrôle de la dynamique est une merveille.

Le baryton-basse de Ryan McKinny – acteur caméléon, au point que chacun des rôles dans lesquels nous l’avons entendu semble être l’œuvre d’artistes différents – grisonne un peu. Il n’en livre pas moins un Joseph De Rocher terrifiant et terrifié, dont le portrait complet égale, en intensité, celui de Joyce DiDonato.

Susan Graham, créatrice de Sister Helen, en 2000, est de retour au Met avec une interprétation profondément émouvante, et sans vanité, de la mère déchirée du condamné. Autre vétéran, Rod Gilfry prend feu dans le rôle du père angoissé d’une des victimes adolescentes. Quant à Latonia Moore, elle enveloppe de belles sonorités son incarnation généreuse de la collègue et confidente de Sister Helen.

Parmi les brèves apparitions se distinguent celles, dessinées avec netteté et bien chantées, de Raymond Aceto, Chad Shelton et Justin Austin. Le travail choral, enfin, est superbe.

DAVID SHENGOLD

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