Opéras Graz honore Fux
Opéras

Graz honore Fux

11/07/2023
© Nikola Milatovic

Schloss Eggenberg, Hof, 24 juin

Le lieu, d’abord, vaut à lui seul le déplacement. Situé à la lisière de la charmante ville de Graz, le Château d’Eggenberg ne dévoile aux visiteurs son imposante façade d’inspiration maniériste qu’après avoir emprunté une longue allée, tracée au beau milieu d’un parc lourd et sombre. Au bout de cette majestueuse entrée, le public pénètre alors dans l’immense Cour intérieure, entourée de plusieurs étages de galeries.

C’est dans ce cadre unique, qui rappelle de lointains palais italiens, qu’a lieu chaque été, depuis 1985, le Festival « Styriarte », né de l’initiative du chef autrichien Nikolaus Harnoncourt. Concerts thématiques et opéras sont ainsi programmés, à ciel ouvert, dans cet écrin à l’acoustique parfaite. De jeunes musiciens y côtoient des artistes confirmés, dans un environnement stimulant, où le répertoire baroque est mis à l’honneur.

Cette saison, la direction du Festival a choisi de poursuivre sa célébration de Johann Joseph Fux (1660-1741), en programmant l’une de ses œuvres lyriques, Costanza e Fortezza, « festa teatrale per musica » en trois actes, sur un livret de Pietro Pariati. Pas de mise en scène pour illustrer l’ouvrage, donné sous forme d’extraits, interprétés par quatre chanteurs, deux femmes et deux hommes. L’intrigue, plutôt compliquée, nous est contée par un comédien, Janos Mischuretz, censé incarner le compositeur, au soir de sa vie, venu assister – en chaise à porteurs – à l’exécution de sa dernière création, datée de 1723.

La musique, pétillante et colorée, à la virtuosité savoureuse, appartient à celle d’un excellent faiseur, capable de dépeindre, avec une grande sûreté d’écriture, cette histoire située en 508 av. J.-C., pendant la lutte des Étrusques contre les Romains, sur fond de conflits amoureux. Aux interventions chorales, élégamment assurées par le quatuor en place, répondent des airs de belle facture, joliment encorbellés, des duos finement ciselés et de solides récitatifs, chantés dans le goût baroque.

Manquent à l’appel les nombreux ballets qui émaillaient cette pièce fastueuse, d’une durée de plus de cinq heures, donnée en l’honneur du couronnement de l’empereur Charles VI de Habsbourg, comme roi de Bohême, et de l’anniversaire de son épouse, Élisabeth-Christine de Brunswick-Wolfenbüttel. La première représentation eut lieu devant un parterre de quatre mille spectateurs, dans un vaste théâtre de plein air, spécialement conçu par Giuseppe Galli Bibiena, en contrebas du Château de Prague. Dirigée par Antonio Caldara, elle était chantée, entre autres, par le jeune et déjà célèbre castrat Giovanni Carestini, futur Ariodante et Ruggiero (Alcina) pour Haendel, en 1735.

Dans Costanza e Fortezza, les deux rôles féminins représentent des jeunes filles romaines, amoureuses de nobles compatriotes, mais convoitées par les princes étrusques qui assiègent la ville. La soprano italienne Monica Piccinini campe une ravissante Valeria, éprise de Muzio, mais courtisée par Porsenna. La mezzo norvégienne Marianne Beate Kielland apporte à Clelia, fiancée à Orazio, mais harcelée (et presque violée !) par Tarquinio, sa belle voix au timbre clair, à la fois douce et fruitée.

Doté d’une technique saine et robuste, dans le double rôle d’Orazio et de Tarquinio, le ténor italien Valerio Contaldo exécute, avec un certain panache, cette partition richement ornementée. Le contre-ténor polonais Rafal Tomkiewicz, en Muzio et Porsenna, se glisse avec assurance dans les plis de cette pièce, où la bravoure, sans doute édulcorée par rapport à celle pratiquée à la création, n’en réserve pas moins de très beaux moments.

À la tête de son ensemble Zefiro Barockorchester, le chef italien Alfredo Bernardini défend la figure de Johann Joseph Fux, avec une flamme et un sens des contrastes qui nous font regretter la brièveté de cette réduction.

François Lesueur


© Nikola Milatovic

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