Opéras Le triomphe de Mefistofele à Toulouse
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Le triomphe de Mefistofele à Toulouse

11/07/2023
© Mirco Magliocca

Théâtre du Capitole, 23 juin

Depuis sa création, à Liège, en juin 2007 (voir O. M. n° 21 p. 57 de septembre), on ne se lasse pas de revoir la production de Mefistofele signée Jean-Louis Grinda, très certainement l’une des meilleures de l’actuel directeur des Chorégies d’Orange. D’autant que le metteur en scène, à chaque reprise (Montpellier, Monte-Carlo), la modifie plus ou moins, notamment pour s’adapter à la personnalité de ses nouveaux interprètes.

À ce jour, les plus gros changements opérés remontaient à Orange, en 2018 (voir O. M. n° 142 p. 44 de septembre), où Jean-Louis Grinda n’avait conservé que les costumes, les contraintes du Théâtre Antique le conduisant à revoir en profondeur l’ensemble du dispositif. À l’Opéra National Capitole Toulouse, nous avons retrouvé l’essentiel des séquences qui nous avaient tant séduit, à Liège – le spectacle, rappelons-le, n’essaie pas de ménager une cohérence dans un opéra qui n’en a aucune, mais illustre, avec autant de somptuosité visuelle que de pertinence dramaturgique, les différents épisodes de cet inclassable et fascinant monument de l’art lyrique.

Une modification d’importance, néanmoins : le costume de Mefistofele. Nicolas Courjal arbore celui qu’il portait en Méphistophélès dans La Damnation de Faust, également mise en scène par Jean-Louis Grinda, à l’Opéra de Monte-Carlo, en novembre dernier. Un choix qui permet de fructueux rapprochements entre ces deux incarnations du diable, inspirées de Goethe.

Ce qu’accomplit la basse française relève de l’exploit. Reporté d’une saison précédente pour cause de pandémie, Mefistofele a obligé Nicolas Courjal à aborder l’écrasant rôle-titre, seulement douze jours après la dernière représentation des Huguenots, à l’Opéra de Marseille, où il interprétait Marcel. Vocalement, la performance est impressionnante, avec un instrument somptueusement homogène et une ligne de chant impeccablement conduite. Scéniquement, rien à dire, non plus, avec ce zeste de dérision et de parodie que l’artiste sait si bien introduire dans ses portraits maléfiques.

Reste à travailler encore davantage sur les mots et les inflexions d’un texte particulièrement alambiqué : la plus grande partie du chemin est accomplie, mais Mefistofele est de ces emplois dont on n’épuise jamais les subtilités linguistiques.

Les trois transfuges de la distribution d’Orange tiennent dignement leur rang, à commencer par Béatrice Uria-Monzon, toujours idéale en Elena, et Marie-Ange Todorovitch, endossant cette fois l’habit de Pantalis, en plus de celui de Marta. Quant à Jean-François Borras, après un début laborieux, il se libère à partir de l’acte II.

Enchaînant d’irrésistibles duos d’amour avec Margherita et Elena, puis délivrant un « Giunto sul passo estremo » miraculeux de legato et de nuances, le ténor français ne donne plus du tout l’impression, dans une salle fermée de dimension moyenne, de manquer de métal et d’éclat dans les passages héroïques du rôle de Faust, comme c’était le cas au Théâtre Antique.

Déception, en revanche, pour Chiara Isotton, dotée d’une grande voix de soprano spinto, dont elle ne réussit pas à contrôler la puissance dans l’aigu, au risque de hurler. Ses capacités d’allégement sont trop réduites pour lui permettre de respecter les fines broderies de « L’altra notte » et son vibrato s’élargit exagérément sous la pression, avec d’inévitables conséquences sur la justesse. Quant au style, il paraît suranné, renvoyant aux chanteuses italiennes des années 1940 spécialisées dans le répertoire improprement baptisé « vériste ».

Chœur et Maîtrise de l’Opéra National du Capitole sont exceptionnels, à l’instar d’un Orchestre National du Capitole dont la qualité ne se dément pas. Actuel directeur musical du Staatstheater Kassel, le chef italien Francesco Angelico met du temps à démarrer, avec des tempi trop lents dans le Prologue et les deux premiers actes. Mais, à partir du III, quel déchaînement de sensualité, de violence et de passion ! L’Épilogue arrache carrément le spectateur de son siège. O

Richard Martet


© Mirco Magliocca

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