Dans une vidéographie déjà riche en versions de référence, la nouvelle production montée par la Scala de Milan, pour l’ouverture de sa saison 2019-2020, trouve sans problème sa place sur les sommets, avec Anna Netrebko en vedette.
Réalisé au Teatro alla Scala, en décembre 2019, ce DVD se hisse au tout premier rang de l’abondante vidéographie de Tosca. Premier atout : un orchestre de très grande valeur, superbement dirigé par Riccardo Chailly qui, sans jamais perdre de vue la tension dramatique, confère à chaque scène une hauteur de ton exemplaire. Dans cette version, plus complète que toutes celles que j’ai entendues jusqu’ici, rien ne cède à la facilité, rien ne paraît inutile.
La distribution, il est vrai, est l’une des meilleures que l’on puisse réunir aujourd’hui. Anna Netrebko incarne une Tosca sûre de ses moyens, tour à tour capricieuse et souveraine, aussi crédible dans ses emportements que dans ses épanchements amoureux. Ajoutons que, grâce aux inflexions de sa voix et à l’habileté de son jeu, on n’oublie jamais – et c’est tant mieux – qu’elle est toujours, un peu, une diva en représentation.
Francesco Meli réussit à défendre, avec autant de style que de panache, les idéaux de l’art, de la politique et de la passion. Le talent du ténor italien lui permet ainsi de dessiner, avec d’infinies nuances, le portrait d’un Cavaradossi entraîné dans une suite d’événements, dont il est autant la victime que le héros.
Luca Salsi ne surjoue jamais son Scarpia, soucieux plutôt d’en laisser deviner les pulsions les plus sombres. Physiquement, vocalement, il évite aussi bien la caricature que les effets trop appuyés. Quant à Alfonso Antoniozzi, Carlo Bosi ou Giulio Mastrototaro, ils sont bien plus que des « seconds couteaux ».
Dans son compte rendu du spectacle, Paolo di Felice émettait quelques réserves sur la mise en scène de Davide Livermore, en jugeant que « ce qui est naturel dans un film tend à devenir artificiel au théâtre » (voir O. M. n° 158 p. 52 de février 2020). Juste retour des choses, ce DVD, remarquablement réalisé par Patrizia Carmine, vient à point souligner l’intelligence d’une approche qui a le mérite de respecter le goût d’une époque, d’utiliser au mieux les ressources techniques du théâtre et, surtout, de tenir constamment le spectateur en haleine.
Pierre Cadars