Opéras Luxueux Andrea Chénier à Milan
Opéras

Luxueux Andrea Chénier à Milan

09/06/2023
© Teatro alla Scala/Brescia/Amisano

Teatro alla Scala, 24 mai

Cette production d’Andrea Chénier, signée par Mario Martone, avait inauguré la saison 2017-2018 de la Scala. José Pons, qui en avait rendu compte dans ces colonnes (voir O. M. n° 136 p. 47 de février 2018), puis Pierre Cadars, dans sa critique du DVD (voir O. M. n° 174 p. 83 de juillet-août 2021), avaient justement décrit une mise en scène – reprise par Federica Stefani – sage et illustrative, mais également efficace sur le plan dramatique, dans les décors traditionnels de Margherita Palli et les somptueux costumes d’époque d’Ursula Patzak.

Marco Armiliato est un chef fiable, toujours soucieux de ne pas couvrir les chanteurs et de se mettre à leur service. Pour autant, sa direction ne retrouve pas le raffinement et le goût du détail, qui caractérisaient la lecture de Riccardo Chailly. Plus agressive, elle tend à reléguer au second plan la richesse des timbres, pour privilégier une théâtralité plus extravertie, reposant davantage sur les contrastes dynamiques et les décibels.

Depuis ses débuts dans le rôle, en 2015, au Covent Garden de Londres, Andrea Chénier est devenu l’un des chevaux de bataille de Jonas Kaufmann. On retrouve le timbre aux reflets de bronze du ténor allemand, un aigu vaillant et percutant, ainsi qu’un phrasé ciselé avec autant de finesse que de variété. Le détimbrage dans l’aigu piano, péché mignon de l’artiste, est utilisé avec parcimonie, et toujours à des fins expressives. Tout au plus regrette-t-on quelques dérapages dans l’intonation, résolument secondaires au sein d’une performance remarquable, soutenue par la présence charismatique de l’acteur.

Pour sa première Maddalena, Sonya Yoncheva apparaît vocalement fatiguée et plus prudente qu’à l’ordinaire. Ses moyens, toujours considérables, lui permettent de soigner le phrasé jusque dans les moindres détails, au risque de perdre l’élan, parfois aux limites de l’emphase, sans lequel ce répertoire peine à prendre vie. Le début de « La mamma morta » est ainsi admirable de nuances et de mezze voci, mais la fin manque de mordant. De plus, l’extrême aigu, aussi puissant soit-il, tend à bouger, et les pianissimi sonnent un rien stridents. Bref, la prestation de la diva bulgare n’est pas aussi satisfaisante qu’on l’attendait.

Extraordinaire de projection, d’étendue et d’homogénéité, la voix d’Amartuvshin Enkhbat se déploie avec aisance dans la tessiture de Carlo Gérard. Soutenue par une excellente technique, elle permet au baryton mongol de brosser un portrait convaincant du troisième personnage principal de l’opéra, même si le phrasé pourrait être encore plus imaginatif.

Parmi les comprimari, Josè Maria Lo Monaco et Carlo Bosi méritent une mention, aux côtés de l’inoxydable Elena Zilio (82 ans), dans l’émouvant rôle de Madelon. Les chœurs sonnent compacts, mais un peu bruts, en osmose avec la direction de Marco Armiliato.

Paolo di Felice


© Teatro alla Scala/Brescia/Amisano

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