Opéra, 12 mai
La crise sanitaire a retardé la reprise de cette coproduction, créée par Angers Nantes Opéra, en novembre 2018 (voir O. M. n° 146 p. 47 de janvier 2019), et signée, pour la mise en scène, les décors, les costumes et les lumières, par Ezio Toffolutti.
Remontée à Limoges par François Bagur, on y retrouve d’abord, avec plaisir, la verve du décorateur, aux réussites inégales, pourtant. À son meilleur, dans les tableaux fantastiques des interventions de la Fée. Avec, aussi, des inventions heureuses, comme ce grand chapiteau corinthien renversé, où siège le Prince hypocondriaque, nouveau stylite dissimulé par un voile blanc.
Moins convaincant, en revanche, dans le prosaïsme des scènes domestiques, sous des éclairages crus. Et nettement plus discutable, dans des costumes peu flatteurs pour les choristes, voire même Noémie, Dorothée et leur mère, affligées d’assez laids vertugadins, ou les danseurs. Il manque, surtout, une direction d’acteurs plus poussée.
La distribution nouvelle tire, pourtant, son épingle du jeu, à commencer par l’imposante Madame de la Haltière de Julie Pasturaud, à l’abattage irrépressible, comme au poitrinage également bien en situation. En « méchantes sœurs », Caroline Jestaedt et Ambroisine Bré, avec des silhouettes très différentes, font jeu égal dans la qualité très pure de la ligne et du timbre.
Un peu jeune d’apparence pour les attendrissements de sa bonté paternelle, Matthieu Lécroart est, par ailleurs, un impeccable Pandolfe, dans la diction comme par la présence scénique. Enfin, la Fée de Marie-Eve Munger, dont le jeu est contraint aux seuls et gracieux mouvements des bras et des mains, nous enchante avec sa fascinante colorature.
Reste le couple des héros, pas assez bien servi par des costumes qui auraient dû être mieux réadaptés, mais parfaitement contrasté vocalement. Ainsi, les graves chaleureux et l’ardeur irrésistible d’Héloïse Mas imposent un Prince conquérant. Charmante et touchante en scène, Hélène Carpentier impressionne par son travail approfondi du rôle-titre, aux éclairages constamment nuancés, dans le long monologue du début du III, notamment (« Enfin, je suis ici… »). Malgré la puissance des grands éclats manque, peut-être, un lyrisme plus naturellement frémissant, qui aurait porté à un plus haut niveau sa très méritoire application. En tout cas, les deux magnifiques duos, qui marquent les sommets de l’œuvre, emportent pleinement l’adhésion.
Dirigeant un Orchestre de l’Opéra de Limoges particulièrement brillant dans ses parties solistes (au premier rang, la flûte d’Eva-Nina Kozmus), Robert Tuohy, d’une parfaite précision, parfois un peu sec, mais avec de beaux accents, rend bonne justice à une partition encore trop rare.
François Lehel