Née en Finlande et installée à Paris depuis les années quatre-vingt, Kaija Saariaho était un grand nom du paysage contemporain. Dans une lignée spectrale, son travail explorait notamment le principe d’« axe timbral », une recherche sur les textures et leur assimilation à la dissonance ou à la consonance. Elle est particulièrement connue pour ses cinq opéras.
Kaija Saariaho apprend le piano, le violon et l’orgue dans l’enfance, puis étudie les arts visuels à l’Université d’Helsinki (conformément à la volonté de son père), avant d’intégrer l’Académie Sibelius, dans la classe de Paavo Heininen. C’est à cette époque qu’elle collabore avec le collectif de compositeurs, « Korvat Auki ! » (« Ouvrez les oreilles ! »), qui comprend notamment Esa-Pekka Salonen. À Darmstadt, la jeune musicienne découvre l’école spectrale française, événement qu’elle décrit comme une révélation. Elle passe ensuite par la ville allemande de Fribourg pour suivre l’enseignement de Klaus Huber et Brian Ferneyhough, puis rentre à l’Ircam en 1981, où elle explore l’électronique et l’informatique musicale. Son langage s’affirme alors, et elle commence à développer sa célèbre fascination pour la transformation des sons.
Lichtbogen, commande du ministère français de la Culture (pour laquelle elle s’est inspirée d’une aurore boréale qu’elle a pu admirer), marque un premier tournant dans la carrière de Kaija Saariaho. Elle compose alors de nombreuses pièces pour ensembles de musique de chambre et électronique, et montre une affection toute particulière pour le violoncelle. Si elle intégrait régulièrement des parties vocales à ses compositions, la Finlandaise parisienne ne s’attelle au répertoire lyrique qu’à la fin des années 1990, avec L’Amour de loin, opéra écrit sur un livret du Franco-Libanais Amin Maalouf, qui sera créé au Festival de Salzbourg en 2000, dans une mise en scène de Peter Sellars. Suivront Adriana Mater, l’oratorio La Passion de Simone (qui retrace la vie de Simone Weil) et Émilie (en hommage à Émilie du Châtelet), toujours en collaboration avec le même auteur. L’opéra Only the Sound Remains, dont la première a lieu au DNO d’Amsterdam en 2016, est quant à lui inspiré de deux pièces du théâtre Nô, et sa dernière œuvre lyrique, Innocence (sur un livret deSofi Oksanen), qui explore le thème de la culpabilité, fait sensation au Festival d’Aix-en-Provence, lors de sa création en 2021.
Kaija Saariaho « s’est éteinte paisiblement, dans son lit, à Paris » ce vendredi 2 juin, a fait savoir sa famille, qui évoque une tumeur au cerveau diagnostiquée en février 2021. La septuagénaire était restée très vague sur ses récents problèmes de santé, qui n’avaient pas atteint ses fonctions cognitives, souhaitant continuer de consacrer toute son énergie à son travail. Sa dernière œuvre, un concerto pour trompette, sera créée à Helsinki en août prochain.
ROXANE BORDE