Opéras La Bohème repart dans l’espace à Paris
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La Bohème repart dans l’espace à Paris

19/05/2023
© Opéra National de Paris/Guergana Damianova

Opéra Bastille, 5 mai

Six ans après sa création, en décembre 2017 (voir O. M. n° 136 p. 57 de février 2018), la production contestée de La Bohème par Claus Guth fait son retour sur la scène de l’Opéra Bastille. Certes, l’idée de départ – ces astronautes en perdition dans l’espace, quelque part entre 2001 : A Space Odyssey (Stanley Kubrick, 1968) et Solaris (Andreï Tarkovski, 1972) – a de quoi déconcerter.

Le début du spectacle paraît bien artificiel et demande une bonne dose de complaisance pour être accepté, notamment lorsque les quatre énergumènes jouent avec le cadavre d’un de leurs collègues, pour la scène avec Benoît, auquel Colline prête sa voix. Mais, avec l’arrivée de Mimi et des fantômes du passé, le télescopage entre la « réalité » du présent cosmique et les souvenirs de Rodolfo génère un climat et des images d’une intense poésie.

Au pupitre, Michele Mariotti donne une lecture éblouissante de la partition qui, à elle seule, suffirait à emporter l’adhésion, tant la conduite du discours dramatique et la richesse instrumentale sont exaltées par sa baguette souple et précise, qui tire le meilleur de l’Orchestre de l’Opéra National de Paris.

Du côté de la distribution, l’équipe, elle aussi d’un excellent niveau, se fond à merveille dans la vision du metteur en scène. On fera, tout de même, quelques réserves sur le Rodolfo de Joshua Guerrero, dont les sons ouverts, les sanglots et le style très relâché sont une caricature de chant vériste. Mais, passé un « Che gelida manina ! » d’une insigne laideur, il se coule plutôt bien dans les ensembles.

Sans doute faut-il attribuer à la conception « fantomatique » de son personnage, l’abus des pianissimi et un certain manque de naturel chez la Mimi d’Ailyn Pérez. Ils gâtent un peu son grand air, en lui donnant un petit côté minaudant. Fort heureusement, par la suite, elle convainc pleinement.

Si la voix d’Andrzej Filonczyk est assez belle, son Marcello pourrait être plus nuancé et, surtout, chanter moins systématiquement forte, comme il le prouve, du reste, dans son duo avec Rodolfo. À tout prendre, le Schaunard de Simone Del Savio pourrait bien lui damer le pion, notamment pour la richesse du timbre. Curieusement, malgré un instrument splendide, dont on attend le meilleur, Gianluca Buratto ne parvient pas à communiquer toute l’émotion de « Vecchia zimarra ».

Dans cet univers funèbre et glacé, la superbe Musetta de Slavka Zamecnikova offre un moment de sensualité et de pure jubilation, avec une voix au timbre immaculé, un style impeccable et des aigus de rêve. Un peu sacrifiés par la mise en scène, les Chœurs de l’Opéra National de Paris et la Maîtrise des Hauts-de-Seine n’ont vraiment que l’acte II pour se mettre en valeur.

Malgré quelques légères protestations à la reprise après l’entracte, le spectacle et la distribution se taillent, au final, un succès largement mérité, où Ailyn Pérez et Michele Mariotti reçoivent, avec justice, les applaudissements les plus nourris.

ALFRED CARON


© Opéra National de Paris/Guergana Damianova

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