Opéras Tannhäuser des débuts à Salzbourg
Opéras

Tannhäuser des débuts à Salzbourg

07/04/2023
© Monika Rittershaus

Grosses Festspielhaus, 1er avril

Musicalement, c’était assurément le Tannhäuser des premières fois : débuts au Festival de Pâques (Osterfestspiele) d’Andris Nelsons et du Gewandhausorchester de Leipzig, première Elisabeth de Marlis Petersen et, surtout, premier Tannhäuser de Jonas Kaufmann. Pourtant, si l’on sort de cette soirée avec un large sourire, c’est moins pour la prestation de l’un ou l’autre que pour la force du collectif.

Coup de chapeau, d’abord, à Andris Nelsons, qui livre une direction sobre mais habitée, en réalisant une parfaite fusion entre « son » orchestre et les deux chœurs (Bachchor de Salzbourg et Philharmonie Tchèque de Brno). Le chef letton dirige assis, avec un air matois qui n’est pas sans rappeler Sergiu Celibidache. Pas d’emportements, rien de tellurique, mais une recherche constante de sens.

On retrouve, avec plaisir, le Wolfram de référence de Christian Gerhaher, capable des nuances les plus raffinées, mais aussi de l’expression la plus bouleversante, en donnant une signification à chaque mot. On salue, également, le Landgrave de luxe de Georg Zeppenfeld, ainsi que la façon dont Edwin Crossley-Mercer fait exister le rôle ordinairement effacé de Biterolf.

On est impressionné, aussi, par les débutants : l’Elisabeth, claire, puissante, brûlante, de Marlis Petersen et, bien sûr, le Tannhäuser terriblement humain, assumant toutes ses fragilités, de Jonas Kaufmann. S’il ne se départit pas d’une certaine prudence, surtout au premier acte, le ténor allemand offre un aigu net et bien appuyé, un médium qui s’épanouit avec aisance, et ce qu’il faut de mordant dans un superbe « Récit de Rome ».

Appelée à remplacer Elina Garanca, souffrante, peu de temps avant la première, la soprano britannique Emma Bell campe une Venus de très honnête tenue, forte d’un timbre coloré et d’une belle projection, mais à l’intonation parfois imprécise.

La mise en scène de Romeo Castellucci, même si le programme de salle précise qu’elle a été en partie modifiée, nous semble extrêmement proche de ce qu’avait décrit Laurent Barthel dans ces colonnes, lors de la création du spectacle, au Bayerische Staatsoper de Munich, en mai 2017 (voir O. M. n° 130 p. 55 de juillet-août).

Une proposition esthétisante et léchée, où chaque acte a son univers visuel propre et sa teinte dominante : des rouges multiples pour le Venusberg, un blanc cassé pour la Wartburg, enfin un noir étouffant pour le dernier acte, où l’on ne discerne pas les visages des pèlerins de retour de Rome, mais où l’on suit la décomposition progressive des corps d’Elisabeth et de Tannhäuser, jusqu’à ce qu’ils ne soient plus que poussière.

NICOLAS BLANMONT


© Monika Rittershaus

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