Opéras Didon et Énée dansent à Versailles
Opéras

Didon et Énée dansent à Versailles

31/03/2023
© Teatros del Canal/Pablo Lorente

Opéra Royal, 18 mars

Créé par le Teatro Real de Madrid, au Teatros del Canal, en janvier 2023, ce Dido and Aeneas réunit Les Arts Florissants (chœur et orchestre) et la chorégraphe Blanca Li, vingt-quatre ans après leur collaboration sur Les Indes galantes, pour un spectacle particulièrement esthétique, où la danse raconte le destin tragique des personnages.

Construite autour d’un décor extrêmement simple – un fond doré, quelques panneaux mobiles et un plateau noir, recouvert d’eau –, cette production se distingue par ses tenues vestimentaires. Dido et Aeneas, la Magicienne, Belinda sont enfermés dans des costumes tenant de la sculpture – tête et bras sont les seules parties du corps libres –, que les danseurs se chargent de déplacer, grâce à la plate-forme mobile sur laquelle ils s’élèvent. Une statufication qui empêche les chanteurs de jouer véritablement, en ramenant les personnages à leur dimension mythique.

Ce sont les six danseurs qui sont chargés d’illustrer ou de commenter l’intrigue, Blanca Li proposant une chorégraphie parfois narrative (ou du moins expressive dramatiquement), parfois plus abstraite. Le résultat, visuellement superbe et totalement nourri par la musique, ne détourne jamais l’attention du drame qui se joue, bien que l’histoire soit, en quelque sorte, confisquée aux solistes.

Autre parti pris : Aeneas et la Magicienne sont confiés au même interprète. William Christie parle d’alter ego, expliquant que les deux personnages sont les responsables du malheur de Dido, et que c’est la Magicienne qui permet au héros de réaliser son destin. Mais cette idée est assez peu visible sur le plateau, le chanteur restant figé dans le même costume-sculpture, en n’ayant que le secours de sa gestuelle pour tenter de les différencier.

Dans ce double rôle, le baryton italien Renato Dolcini se montre, malgré tout, expressif, incarnant un Aeneas plein d’autorité et de force, face à la Dido beaucoup plus intérieure d’Helen Charlston. La jeune mezzo britannique est tout en retenue scénique, et c’est seulement dans le duo « What shall lost Aeneas do ? » que s’exprime pleinement le personnage. Sa « Mort », très sobre mais sensible, est servie par une voix sombre et profonde, tandis que la reine de Carthage se fige définitivement en statue. La soprano portugaise Ana Vieira Leite, enfin, est une magnifique Belinda, lumineuse, à la gestuelle fluide.

En plus de ces trois solistes, neuf musiciens et huit choristes ont été réunis, tous présents sur scène, l’orchestre étant situé à jardin. Les artistes du chœur prennent également en charge les rôles secondaires – une mention pour la soprano française Virginie Thomas –, ainsi que les solos du Prologue, tirés de Celestial music did the Gods inspire.

On apprécie leur investissement dramatique, qui leur permet non seulement de ne pas disparaître derrière les danseurs, mais aussi de compenser leur effectif vocal réduit par beaucoup d’expressivité. L’orchestre, en revanche, aurait mérité d’être plus fourni, ou placé différemment, car, dans cette configuration, certains pupitres ont parfois du mal à ressortir, au risque de faire perdre à l’ensemble consistance et couleurs.

C’est le seul point faible d’une phalange remarquable pour ses phrasés, et où William Christie, au clavecin, offre un jeu riche et enveloppant pour les chanteurs.

CLAIRE-MARIE CAUSSIN


© Teatros del Canal/Pablo Lorente

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