Opéras Gloria de Cilea renaît à Cagliari
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Gloria de Cilea renaît à Cagliari

09/03/2023
© Priamo Tolu

Teatro Lirico, 10 février

Puccini excepté, les compositeurs italiens nés après 1850 ne figurent encore au répertoire qu’avec un, voire deux opéras. Tel est le cas de Francesco Cilea (1866-1950), dont on ne joue plus, de manière régulière, qu’Adriana Lecouvreur (Milan, 1902). Avant cette nouvelle production, marquant l’ouverture de la saison 2023 du Teatro Lirico de Cagliari, son dernier opus lyrique, Gloria, n’avait ainsi plus été mis en scène depuis 1997, au Festival de San Gimignano, avec Fiorenza Cedolins dans le rôle-titre et Marco Pace au pupitre (CD Kicco Classic).

Baptisée « tragedia lirica », Gloria a connu deux naissances. La première, à la Scala de Milan, le 15 avril 1907, a lieu dans le sillage du triomphe international d’Adriana Lecouvreur. Cilea mise beaucoup sur sa nouvelle partition et en confie le livret au même librettiste, Arturo Colautti, qui s’inspire de La Haine, drame de Victorien Sardou, créé à Paris, en 1874, avec une musique de scène d’Offenbach.

Dans ces années d’avant-Première Guerre mondiale, la mode est aux sujets médiévaux (Parisina et Isabeau de Mascagni, Francesca da Rimini de Zandonai, L’amore dei tre re de Montemezzi…) et au néo-gothique flamboyant. D’où une intrigue située dans la Sienne du XIVe siècle, narrant la tragique destinée d’un couple d’amants, Gloria et Lionetto, appartenant à deux familles ennemies.

Arturo Colautti taille dans la pièce, la simplifie, allant même jusqu’à en changer la fin. Chez Sardou, les jeunes héros sont emmurés vivants, car on les croit contaminés par la peste ; chez Cilea, Gloria se suicide avec le poignard dont Folco, son frère, vient de se servir pour tuer Lionetto.

Placée sous la baguette d’Arturo Toscanini, directeur musical de la Scala, la distribution de la création est brillante : la soprano Salomea Krusceniski (Gloria), le ténor Giovanni Zenatello (Lionetto), le baryton Pasquale Amato (Folco) et la basse Nazzareno De Angelis (Aquilante, père de Gloria et Folco). Le succès, pour autant, n’est pas au rendez-vous, Cilea recevant autant de critiques que d’éloges. Parallèlement, il paraît évident que Toscanini, dont la collaboration avec le compositeur a été exécrable, n’aime pas l’ouvrage, qui quitte l’affiche après deux représentations.

La deuxième naissance a pour cadre le San Carlo de Naples, le 20 avril 1932, sur un livret révisé par Ettore Moschino, et moyennant de substantielles transformations musicales. L’idée est de proposer un « nouveau melodramma national », mêlant vérisme et influences wagnériennes, avec le recours aux leitmotive.

L’accueil du public est plutôt bon, mais, malgré une poignée de reprises (l’histoire a retenu celle de 1938, au Teatro dell’Opera de Rome, avec Maria Caniglia et Beniamino Gigli dans les rôles principaux), Gloria retombe dans l’oubli. Il faudra attendre 1969 pour la réentendre, en concert, à la RAI de Turin, sous la baguette de Fernando Previtali, avec Margherita Roberti en tête d’affiche (CD Bongiovanni).

Au Teatro Lirico de Cagliari, qui a choisi la version révisée de 1932, la direction musicale est confiée à Francesco Cilluffo. Le « chef principal invité » du Wexford Festival Opera en connaît un rayon, en matière de raretés, notamment issues de ce répertoire italien du tournant du XIXe et du XXe (L’Arlesiana, Isabeau, Risurrezione d’Alfano, L’oracolo de Leoni…). À la tête d’un brillant orchestre du Teatro Lirico, il propose une palette infinie de couleurs et de dynamiques, soulignant l’opulence des cordes dans l’air de Gloria, au I (« Fonte muta e profonda ») comme le fracas des cuivres dans le finale du même acte.

Chanteuse encore en devenir, Anastasia Bartoli intéresse de plus en plus, à chacune de ses apparitions. Deux bémols, néanmoins, dans son incarnation de Gloria : l’aigu sonne parfois trop coupant, surtout au regard d’un médium et d’un grave richement ambrés ; et l’articulation, maniérée, manque de sensualité (la comparaison avec Renée Fleming, qui avait inclus l’air « O mia cuna fiorita », au II, dans son album Verismo, chez Decca, ne tourne pas à l’avantage de la soprano italienne).

Emploi typique de lirico spinto, Lionetto trouve en Carlo Ventre un interprète à la déclamation tout en muscles et à l’aigu éclatant. Sauf que Cilea réclame, également, des moments de chant à fleur de lèvres, des sons doux et langoureux, dont le ténor uruguayen s’avère totalement incapable. Le personnage n’est pas là, y compris sur le plan scénique.

Franco Vassallo excelle en frère possessif et violent, FOlco s’avérant le seul rôle encore imprégné du vérisme des origines (celui du « coup de couteau »), dont Cilea cherchait à s’affranchir. Le baryton italien veille, néanmoins, à ne pas chanter « brutal », en préservant l’élégance de la ligne, notamment dans son air du II (« O mia dolce sorella »). La basse géorgienne Ramaz Chikviladze campe un Aquilante aux graves sonores, entouré d’efficaces seconds plans. Enfin, préparés par Giovanni Andreoli, les chœurs maison sont superbes.

La direction d’acteurs d’Antonio Albanese ne mérite, en revanche, aucun éloge. Ce comédien, metteur en scène et personnage de télévision populaire ne possède qu’une expérience très limitée à l’opéra, ce qui nous vaut des moments d’un statisme insupportable et des poses d’un autre âge.

Refusant tout ancrage spatio-temporel précis, le décor de Leila Fteita fonctionne mieux : un espace à mi-chemin entre fantasy et archaïsme, d’inspiration vaguement sarde (le puits sacré, les costumes de Carola Fenocchio). Le dispositif consiste en un amphithéâtre de pierre, sur les gradins duquel les chœurs se tiennent immobiles (on se croirait dans Oedipus Rex !), avec une fontaine en son centre. Au III, un mur vient fermer la perspective, d’où se détache un tronc d’arbre sec. Le tout baigne dans les lumières, tour à tour bleu azur et rouge sang, d’Andrea Ledda.

SERGIO ALBERTINI


© Priamo Tolu

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