Cyrille Dubois : So Romantique !

1 CD Alpha Classics ALPHA 924

Comment réussir un enregistrement qui fera date ? Établir un programme insolite et le confier à une personnalité hors du commun. Pari réussi, avec ce récital du ténor français Cyrille Dubois pour Alpha Classics, qui porte la griffe du Palazzetto Bru Zane.

Des compositeurs en lice, certains ont depuis longtemps déserté les affiches (Benjamin Godard, Louis Clapisson, Charles Luce-Varlet, Théodore Dubois, Charles Silver), d’autres n’y sont présents que par un opéra ou deux (Auber, Ambroise Thomas, Boieldieu, Fromental Halévy). Les plus connus (Donizetti, Gounod, Bizet, Delibes, Saint-Saëns) sont, eux, réduits sempiternellement aux mêmes titres. Tous ont en commun un savoir-faire exceptionnel et, s’ils recherchent davantage à séduire l’auditeur qu’à faire preuve d’originalité, peut-on le leur reprocher ?

La mélodie est leur terrain d’élection, qu’elle soit fraîche et juvénile (La Barcarolle d’Auber), élégante (Les Mousquetaires de la reine d’Halévy), simple et gracieuse (L’Élève de Presbourg de Luce-Varlet), vaillante (La Fille du régiment), ou qu’elle prenne une tournure plus dramatique. Ainsi de Xavière de Dubois et, plus encore, de Myriane de Silver, créée en 1913, alors que l’« opéra-comique » qui avait, jusque-là, fait les délices des spectateurs (le panorama offert dans ce disque débute avec La Dame blanche, en 1825) commençait à avoir sérieusement du plomb dans l’aile.

Petit à petit, l’écriture abandonne vocalises et ornements, tout en conservant un charme propre à flatter l’oreille. Cela n’est pas sans conséquence sur l’interprète. Jadis « léger », le ténor devient « lyrique », confronté à des emplois plus dramatiques, puis « de demi-caractère » ; ce qui, bien sûr, influence l’émission des notes les plus aiguës, la voix mixte cédant la place au registre de poitrine.

Est-il besoin de vanter, une fois encore, les qualités qui font de Cyrille Dubois l’un des ténors les plus en vue du moment ? Le timbre est toujours d’une exceptionnelle clarté. La ligne musicale, d’une sûreté, d’une souplesse, d’une flexibilité et d’une grâce inégalées, ne lui cède en rien, sans parler d’une élocution française dont on ne peut qu’apprécier la limpidité.

La délicatesse de ce chant, dépourvu de toute afféterie, convient à ces airs faisant la part belle à des atmosphères souvent rêveuses (Pedro de Zalamea de Godard), parfois exaltées (Xavière) ou teintées de vaillance (Raymond de Thomas), toujours tendres, même lorsque le drame n’est pas loin (Le Code noir de Clapisson). L’un des sommets de cet album, gravé en studio, en juillet 2021, est sans conteste « Fantaisie aux divins mensonges » (Lakmé), phrasé avec un goût exquis – un exemple d’autant plus concluant qu’il s’agit d’un des airs dont le succès ne s’est jamais démenti.

L’Orchestre National de Lille, à la sonorité claire et transparente, contribue à vivifier ce répertoire fragile, d’autant que la direction alerte de Pierre Dumoussaud trouve toujours le tempo idéal et le juste équilibre entre musique et théâtre.

Un disque précieux, riche en découvertes, qui confirme le talent remarquable d’un artiste exceptionnel.

Michel Parouty

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