Théâtre Royal, 20 janvier
Conçue en 2020 pour l’Opéra Royal de Wallonie-Liège, mais reportée, Covid oblige, à janvier 2023, La sonnambula signée Jaco Van Dormael et Michèle Anne De Mey délaisse quelque peu la narration au profit d’une lecture imagée, esthétisante et chorégraphiée.
Le dispositif consiste principalement en un écran géant, où des images et des vidéos sont projetées, ainsi que d’une arène centrale – tantôt à plat, inclinée, ou recouverte d’une toile de trampoline, le tout filmé d’en haut. Le chœur, en revanche, est assis, quasi immobile, de chaque côté du plateau, tandis que les solistes sont cantonnés à l’avant-scène.
Le déroulement de l’action est pris en charge par des danseurs, qui servent de doubles aux personnages principaux et réalisent des mouvements, des acrobaties, ou jouent les événements du livret. À la fois virtuoses et convaincants, c’est sur leurs épaules que repose presque exclusivement la mise en scène.
Le spectacle propose quelques belles images, notamment dans l’acte II et la scène de somnambulisme. Il ne manque pas non plus d’humour, lorsque la caméra fixée dans les cintres oblige les danseurs à jouer allongés au sol, projetant ainsi à l’écran des vidéos décalées et joyeuses, proches du dessin animé ou de la marionnette.
L’immobilisme des chanteurs et l’espace très restreint dans lequel ils évoluent posent, en revanche, problème, car cela les dessert sur le plan expressif. En leur confisquant en partie l’action, la mise en scène ne les aide pas à caractériser pleinement leurs personnages. Du coup, on reste perplexe face à des danseurs particulièrement dynamiques et actifs, et des chanteurs parfois comme empêchés de s’exprimer.
C’est d’autant plus dommage pour une distribution toute désignée pour ce répertoire, avec, en premier lieu, René Barbera, qui fait entendre une voix rayonnante, s’épanouissant tout particulièrement dans l’aigu. Le ténor américain offre un Elvino assez idéal, chez qui n’apparaît aucune tension.
Familière d’Amina, Jessica Pratt n’est, malheureusement, pas dans son meilleur jour. La voix met un peu de temps à se chauffer dans le médium et l’on sent, malgré un suraigu assuré, qu’elle n’est pas aussi libre qu’à l’ordinaire. La soprano anglo-australienne n’en montre pas moins sa musicalité et sa délicatesse dans son approche du rôle.
Le Comte Rodolfo manque particulièrement de relief dans cette mise en scène, bien que le baryton-basse croate Marko Mimica lui donne une réelle profondeur. La Lisa de la soprano espagnole Marina Monzo parvient mieux à s’affirmer scéniquement, et son air du II montre une voix agile, corsée, à l’aigu précis.
Parmi les personnages secondaires, la mezzo belge Julie Bailly est une belle Teresa – rôle bref, mais très bien tenu. Enfin, le Chœur de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège sonne bien, surtout côté féminin.
Si Giampaolo Bisanti est un chef investi et dynamique, on regrette que les musiciens n’aient pas le même mordant. Quelques décalages entre le plateau et la fosse, ainsi que des soucis de justesse chez les cuivres, laissent l’auditeur sur sa faim, dans une interprétation manquant globalement du lyrisme bellinien, mais heureusement pas de joie dans la cabalette finale.
CLAIRE-MARIE CAUSSIN