2 CD Harmonia Mundi HMM 905325.26

Idéalement défendu par Sébastien Daucé et son ensemble Correspondances, le « dramatic opera » de Matthew Locke (v. 1621-1677), créé à Londres, le 27 février 1675, et inspiré par son modèle français – celui de la « tragédie-ballet » Psyché, mise en musique par Lully, sur un livret de Molière, Quinault et Corneille, en 1671 – ressurgit dans toute sa variété, son originalité et son extrême richesse.

Par rapport au bel enregistrement réalisé par Philip Pickett et le New London Consort, en 1994 (L’Oiseau Lyre/Decca), cette nouvelle reconstitution, gravée en studio, en juillet-août 2020, s’affirme encore davantage. D’abord, grâce à son ajustement instrumental pertinent : les musiques perdues de Giovanni Battista Draghi, qui figuraient à l’origine dans la partition, sont remplacées par diverses compositions de Locke, mais aussi par un extrait de la Psyché de Lully, en hommage aux origines de l’œuvre. Ensuite, par son admirable rendu vocal.

Il faut dire que les treize chanteurs réunis comptent parmi les plus talentueux dans ce type de répertoire. Chacun brille par sa singularité, ses accents, sa diction ciselée de ­l’anglais, et l’on savoure l’alliance homogène des voix sur « Great Psyche shall find no such pleasure as here », le raffinement de Lieselot de Wilde sur « With kindness I your pray’rs receive », l’éloquence ravageuse de Lucile Richardot sur « Let’s to Apollo’s Altar now repair », et les entrelacs subtils de Caroline Bardot, Deborah Cachet, Marc Mauillon et Nicolas Brooymans sur « Break, break, distracted heart ».

La douloureuse « Plainte italienne », extraite de la Psyché de Lully et insérée de manière sagace, à la scène 2 de l’acte II, permet encore à Lucile Richardot de distiller des accents extraordinairement ténus. Par sa concentration inouïe, son sens déclamatoire infaillible et sa grande rigueur stylistique, la contralto ravive le souvenir des inflexions, elles aussi ineffables, que Sophie Boulin imprimait à cette page, en 1987, dans la production aixoise de Jean-Claude Penchenat, dirigée par Jean-Claude Malgoire.

Enfin, les langueurs contenues de « All joy to fair Psyche », le martèlement quasi expressionniste sur « To what great distress », l’union parfaite des timbres sur « On Earth by unkindness », comme la jubilation débordante du chœur final « All joy to this Celestial Pair », comblent les sens.

Du côté de l’orchestre, le plaisir est, lui aussi, absolu. Le formidable travail réalisé sur la partition par Sébastien Daucé démontre à quel point sa démarche est instruite, ses choix judicieux, sa sensibilité remarquable. Les accords versatiles et sinueux de l’Entry of Envy, les délicates harmonies sur la Symphony at the descending of Venus in her chariot drawn by doves, les motifs délicieusement changeants de l’Entry for Despairing Lovers, sont autant d’exemples de l’extrême panache que le chef parvient à insuffler à son ensemble Correspondances.

Sous sa conduite tour à tour raffinée, fougueuse et précise, chaque pupitre dispense des couleurs chatoyantes, exhibe un sens du rythme affûté, façonne des atmosphères mémorables. Une merveille !

À tous points de vue, cet enregistrement fait désormais figure de référence.

CYRIL MAZIN

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